lundi 11 novembre 2024

HARFANG N° 65 : un numéro éclectique !

 Qu’est-ce qu’un bon numéro de revue ?


La question a surgi lors d’une rencontre avec des jeunes en formation…

Depuis toujours, deux conceptions s’affrontent à ce sujet et font l’objet de discussions dans les comités de rédaction, les salons et jusque dans les chaumières :


- d’un côté, les partisans de numéros composés autour d’une unité d’idée ou de forme, à commencer par les numéros thématiques autour d’une unité de sujets, de ton, de style… Harfang a édité naguère des numéros intitulés « nouvelles de la Francophonie (N°15), nouvelles d’Algérie (N° 21), nouvelles du Québec (N° 28)… ou encore Nouvelles noires (N°8 & 23), nouvelles oulipiennes (N°19), nouvelles des voyageurs (N°24), nouvelles des éditeurs (N° 25) nouvelles des ateliers (N° 30)…etc.

Dans cette catégorie, ajoutons les numéros qui essaient de relier les nouvelles et les auteurs par quelque fil rouge plus ou moins explicite que le lecteur aura plaisir à découvrir au fil des pages. Les exemples sont nombreux et récemment on a même vu des numéros de la revue semestrielle L’âme au diable composés comme de véritables recueils !


- de l’autre côté, les partisans de numéros qui « passent en revue » différents aspects de la production actuelle sans se soucier de les unifier ou de les relier. Numéros éclectiques par excellence où la qualité et la diversité des textes semblent suffire.

Unité ou diversité ? Numéro thématique ou numéro éclectique ?

Chaque revue est confrontée à ce choix pour chaque numéro. Difficile de choisir et d’affirmer qu’une solution est meilleure que l’autre… car au final, le lecteur est le seul juge en fonction de ses attentes et de ses goûts.

 

Pour en venir au numéro 65 de la revue Harfang qui vient de sortir, il convient de le ranger du côté des numéros éclectiques. Car rien ne relie entre eux les 5 nouvellistes qui sont à la une de la page de couverture et les 6 nouvellistes qui trônent en quatrième de couverture.



Dans ce cas, la revue est alors le lieu d’une rencontre virtuelle entre des nouvellistes qui ne se sont jamais rencontrés et qui n’ont sans doute aucun point commun… si ce n’est d’écrire des nouvelles !

Ainsi dans la première partie, on plonge au cœur de l’œuvre des 5 invités que rien ne relie mais qui se confient tous sur leur laboratoire d’écriture et livrent une nouvelle inédite :


- Belinda Cannone revient sur son dernier recueil Les vulnérables et offre une nouvelle qui fait écho à ses essais sur le baiser  (Le baiser peut-être, Le goût du baiser) ;

- Sylvain Prudhomme revient sur ses derniers ouvrages (Un enfant dans le taxi, Photomatons) et offre une nouvelle qui pourrait bien être l’embryon de son prochain roman ;

- Leïla Sebbar revient sur la figure d’Isabelle Eberhardt qui traverse son œuvre et la nouvelle qui suit ;

- Alexandre Seurat rompt un silence de 5 ans depuis son dernier roman et livre une nouvelle qui inaugure de nouveaux espaces ;

- enfin Jean-Philippe Toussaint parle une nouvelle fois de la brièveté dans son travail et surtout du site internet qu’il chérit particulièrement et l’illustre avec la nouvelle borgésienne qui est à l’origine du « Projet Borges »  qu’il a lancé en 2015 !

 

Dans la seconde partie, rien ne relie entre eux les 6 nouvellistes choisis par le comité de lecture sinon qu’ils ont sûrement été choisis pour illustrer la richesse et la diversité de ce qui se fait et s’écrit sous l’appellation de nouvelles aujourd’hui :


- avec Florent Arc, on peut revivre l’atmosphère des bars américains où chacun va « à son rythme » où l’on pourrait rencontrer Bukowski, Hemingway, Miller et quelques autres…

- mais c’est plutôt à travers Carver et Paley que Bernard Barbarroux évoque l’american way of life dans « Un matin de Virginie »

- avec Samuel Bidaud, on fait le trajet « Stockholm-Naples »

- alors qu’avec Flore Nelin, on retrouve « les oiseaux [qui] tracent dans le ciel notre langue maternelle »

- avec Philippe Serrier, on s’interrogera sur l’instauration d’un nouveau « Péage » à la fois absurde et comique… ce qui n’est pas sans rapport avec certaines réalités actuelles !

- enfin avec Thomas Zevsky, on partagera les interrogations d’un archéologue chargé de « fouilles préventives »

Au final, il y en a pour tous les goûts et chaque lecteur trouvera bon ce qui répondra le mieux à ses attentes.

Bonne lecture

Harfang N° 65 , 110 pages, 12 € franco de port, 13bis avenue Vauban 49000 ANGERS

 

 

 

 

 

lundi 24 juin 2024

Coups de cœur de l’été : Ovaldé, Lunatik, Bodin-Hullin…


 

Entre le pique-nique et la sieste, entre le barbecue et la piscine, voici nos coups de cœurs pour l’été : menu au choix (entrée-plat-dessert) sans ordre ni priorité…

 À nos vies imparfaites, Véronique OVALDE, Flammarion, 160 p., 19 €

 Écrire une nouvelle, composer un recueil, a-t-il quelque chose à voir avec l’art culinaire ? On pourrait le croire en découvrant À nos vies imparfaites, recueil où V. Ovaldé, à l’image de ses personnages comme Laszlo qui parle de « cuistance », de Rose « cheffe dans un restaurant gastronomique » et de Bob qui a quelques velléités de formation de cuisinière, s’est certainement posé la question.

En effet pour réussir une nouvelle, comme un bon plat, il ne s’agit de reprendre quelque bonne vieille recette, de réchauffer un plat préparé exotique, comme ces « saloperies mexicaines épicées ». Il faut chatouiller les papilles (et les neurones) des lecteurs avec d’autres ingrédients : une pincée d’humour par exemple, un peu de fantaisie, beaucoup de surprises (art où V. Ovaldé excelle en variant rythmes, sujets, dialogues, registres…) et enfin une petite touche personnelle (quand narrateur… narratrice ou autrice, s’adresse directement au lecteur et lui fait quelque clin d’œil de connivence).

Quant à réussir un recueil, il ne s’agit pas de proposer une suite comme pour réussir un repas (style entrée-plat-dessert) mais de composer un véritable menu harmonieux où les parfums, les couleurs et les sons se répondent. L’enchaînement des nouvelles fait ici l’objet d’un soin particulier : chaque nouvelle entretenant un « lien de parenté » ou de proximité avec la précédente et la suivante : ainsi Eva Coppa (la mère), Bob (la fille-garçon), Laszlo (l’oncle)…etc. passent d’une nouvelle à l’autre comme par « tuilage », chaque personnage en éclairant un autre. Comme dans un feuilleton ou une série, le lecteur conserve ainsi en mémoire et en bouche les informations distillées par le narrateur pour raconter les choses extraordinaires qui arrivent dans le quotidien très ordinaire des personnages aux vies imparfaites. 

Les académiciens Goncourt, dont on sait qu’ils apprécient les menus raffinés de chez Drouant, ne s’y sont pas trompés en lui attribuant le prix Goncourt de la nouvelle 2024 !

Le recueil refermé, il reste en mémoire et en bouche la saveur, le parfum de plats savamment cuisinés. On en reprendrait bien un peu... mais il faudra attendre le prochain recueil concocté par V. OvaldÉ

Joël Glaziou

( à suivre dans Harfang N° 65 à paraître en novembre 2024)

 De l’amour, des chiens et autres phobies, Lunatik, Paul&Mike, 150 pages, 15 €

 Si vous avez aimé « des pissenlits pour Moebius » (dans Harfang N° 41)… alors tout va bien, vous allez sûrement aimer les onze autres nouvelles de ce recueil, où vous croiserez des personnages décalés qui se démènent aux confins d’un quotidien pas du tout ordinaire, des personnages tiraillés entre phobies et amours… 


Si vous aimez les chiens… alors tout va bien aussi, vous n’aurez que l’embarras du choix entre Gamin, Sibo ou un adorable chiot nommé Godzilla, à moins que vous ne préfériez le bouledogue géant qui protège « à l’abri des ombres » ou bien Goliath le dobermann de Jacob… ou mieux encore « les douze kilos d’amour » de Cookie, la superbe podenca de Selma qui descend directement d’Anubis !

Mais « si vous n’avez pas de chien, votre vie ne vaut probablement pas d’être vécue »

comme l’affirme la quatrième de couverture… cependant il vous sera toujours possible de reporter votre affection sur un chat ou une vache. Car tout est possible dans les nouvelles de Lunatik !

Et si l’amour pour les animaux, surtout pour les chiens ne se dément pas, les amours entre les hommes et les femmes se terminent mal en général, en phobies meurtrières parfois, en road trips hallucinés sur autoroutes ou pistes africaines à bord de voitures improbables : R 21, 205 ou Seat Alhambra !

Dans tous les cas, voilà un recueil dont le titre ne trompe pas car dès la première page, le lecteur est prévenu : « il y a beaucoup d’amour et beaucoup de chiens, mais pas seulement »…

À chacun de découvrir le reste.

Voilà donc un recueil qui confirme le talent de nouvelliste de Lunatik révélé en 2011 dans Tous crocs dehors (Quadrature) et récompensé à juste titre par le Prix Litter’halles en 2012.

 (à lire dans Harfang N° 64, lire aussi entretien et nouvelle de Lunatik dans Harfang N° 41)


Trajet Pérec, Thierry Bodin-Hullin, L’œil ébloui, 53 pages, 12 €

 Dans ce texte composé de 53 notules, Thierry Bodin-Hullin directeur des éditions l’œil ébloui, expose son projet original et ambitieux. Voici ce qu’il en dit dans Harfang N° 64 :


« Dire son Perec en 53 livres de 53 pages par 53 artistes. », telle est la baseline de la collection. Nous sommes encore dans le format court ! Dans Trajet Perec, le deuxième ouvrage de la collection, l’éditeur que je suis se fait auteur et tente d’expliquer la raison d’être de son projet. J’écris : « J’éprouve un grand attachement à l’œuvre de Georges Perec. J’ai rédigé un des premiers mémoires de maitrise consacrés à La Vie mode d’emploi en 1984. Le nom même de ma maison d’édition est un clin d’œil à l’auteur. Construire aujourd’hui un projet éditorial autour de cette figure de la littérature française est une suite qui reste très personnelle, et presque naturelle. Mieux comprendre la fascination qu’il exerce sur moi, comme sur beaucoup d’autres. Son œuvre protéiforme touche, sans y paraitre, le plus profond de soi. Je souhaite que cette collection 53 participe à cette lecture de Perec. » Le nombre fait référence à « 53 jours », le titre du dernier roman inachevé de Georges Perec. J’ajoute : « 53 pages, l’espace d’un livre ; un lieu d’écriture pour dire, penser, inventer, rêver, percer la lecture qu’on a de Perec. 53 livres, toute une collection ; un parcours collectif multiforme, un cheminement proposé à 53 artistes et écrivain·e·s pour porter un regard personnel sur la vie et l’œuvre de l’écrivain. » Voilà le projet un peu fou. Six titres par an, trois au printemps, trois à l’automne, et les neuf-dix ans à venir sont là. J’ai commencé à bâtir une liste d’artistes (pas seulement auteurs·e·s, mais aussi plasticiens, photographes, inventeurs de formes...) que je solliciterai. À ce jour, une vingtaine de titres sont prêts ou en cours d’écriture. Comment résumer ? L’éditeur crée son œuvre à partir des œuvres des autres. « Dites moi pourquoi vous êtes fascinés pour que je comprenne pourquoi je le suis ». Ou, de façon plus introspective, dites-moi qui vous êtes pour m’aider à comprendre qui je suis.

(Lire la suite de l’entretien  dans Harfang N° 64)

 

 

 

 

 

 

jeudi 16 mai 2024

HARFANG N° 64 : nouveauté et continuité

 

Ce numéro de printemps est à placer sous le double signe de la nouveauté et de la continuité.

D’abord avec trois nouvellistes, précédemment publiés dans Harfang, qui se livrent sur leur travail d’écriture autour de la publication de leurs derniers recueils. Ainsi Brice Gautier (présent dans Harfang N° 47,55 et 63) parle de la composition de son recueil La maison commune. Fabrice Schurmans (présent dans Harfang N° 53 et 55) se confie sur ces dernières publications Les délaissés, Paris perdus, et Moloch Akademik. Quant à Samuel Bidaud (présent dans Harfang 63 en tant que traducteur de Jan Cep) il livre sa première nouvelle… Trois nouvellistes au style très différent qui ont pourtant en commun d’être des universitaires qui en marge de leurs travaux de recherche et leurs publications spécialisées trouvent un équilibre dans la création littéraire. 
Ensuite, les lecteurs retrouveront Leïla Sebbar qui reste fidèle à son Algérie natale et dont la nouvelle « Le Fugueur et l’écrivain » rappelle en filigrane Kateb Yacine et Nedjma.

Puis l’habituelle rencontre avec un éditeur fait la part belle au projet fou des éditions L’œil ébloui lancé comme un clin d’œil à Georges Pérec par Thierry Bodin-Hullin qui annonce les 53 publications (sur 4 ans) pour « dire son Pérec en 53 livres de 53 pages par 53 artistes » et offre en primeur l’une d’entre elle, signée Antonin Crenn.

Quant au comité de lecture, il reste fidèle à ses choix entre continuité et nouveauté, en retenant deux nouvellistes déjà connus des lecteurs Françoise Grandhomme (Harfang N°62)  et Julie Verhaeghe (Harfang N° 55 et 59) et aussi quatre nouvelles plumes pour une première publication: Bertrand Gaydon, Anna S. Kermen, Véronique Liegard et Paolina Verde !

Enfin, les meilleures micro-nouvelles de l’année 2023 sont, elles aussi entre nouveauté et continuité, avec une nouvelle plume, celle de  la lauréate Nadège Menassier et des habitués de cette chronique : J.-Y. Robichon et M.-A. Tuscan-Ollier.

 Bonne lecture


Harfang N° 64 , 126 pages, 12 €

Chèque à adresser à Harfang 13 bis avenue Vauban 49000 ANGERS

 

dimanche 10 mars 2024

Coup de cœur pour Les vulnérables de Belinda CANNONE

 Les vulnérables, Belinda Cannone, Stock, 192 pages, 19 €

 Plus connue comme romancière et essayiste, B. Cannone semble privilégier nouvelle et texte court pour ses publications les plus récentes… Dix de ces nouvelles, dont cinq précédemment publiées en revues, journaux ou collectifs composent aujourd’hui Les vulnérables. Recueil très unifié autour des problématiques contemporaines, notamment des migrations liées aux dérèglements climatiques, aux situations politiques et sociales, liées aux guerres entre nations, entre générations, entre sexes… liées aussi aux guerres entre gangs, à la drogue dans les quartiers chauds de Paris ou de Marseille.

Recueil qui fait vivre sous les yeux du lecteur une foule de vulnérables, ados blessés par la vie, jeunes migrants et marginaux, SDF, indésirables (comme les nomme Le Clézio dans Avers) et autres fragiles, invisibles, incompris, rejetés par la société…

À plusieurs reprises, B. Cannone puise dans les journaux, qu’il s’agisse de faits divers ou de reportages (publiés dans Le Monde en 2021) qui s’en tiennent la plupart du temps à l’anonymat ou la généralité. Mais grâce à la fiction, la nouvelle journalistique se prolonge en nouvelle littéraire, en donnant un nom, un prénom, un visage, une histoire, une vie à ces jeunes, ces femmes, ces hommes qui seraient restés invisibles, muets.

Qu’il s’agisse de Céleste, ado qui choisit de quitter famille et  village pour « ronbinsonner » en forêt et qui dans sa fuite croisera des migrants à la frontière italienne. 

Qu’il s’agisse de trois ados abandonnés, « les martinets » (à relire dans Harfang N° 54) Robinson, Tom et Minette, « survivants, réchappés de la vulnérabilité de l’enfance » qui doivent faire face à la violence des autres.

Ou bien de Sekou, qui slame avec deux cent mots et qui reste enfermé dans le poste de transformation EDF en menaçant de plonger le quartier dans le noir.

Ou encore de Sabah, jeune émigrée, qui rêve de chanter entre Barbès et la Goutte d’or et pour qui « la rue c’est la vraie vie ».

De Lucy, la belle dryade ébène, réfugiée climatique qui inspire Paul le peintre pour sa série des « grands calcinés »…

Prônant humanisme et humilité, B. Cannone utilise les dialogues pour montrer les oppositions, les conflits parfois, pour donner la parole et les mots à chacun des protagonistes, pour rappeler que chacun a besoin des autres, permettant ainsi d’échapper au manichéisme et aux leçons de morale. 

Ainsi les échanges entre Mishkinu, le roumain, accusé à tort de vol… et Ludo, le SDF devenu « glaneur » pour la Maison de l’Amitié, mettent en évidence ce que chacun doit à l’autre quand l’aidé devient aidant…

Tout comme l’échange entre Youssef qui a quitté son Maroc et Boris le bosniaque musulman qui a tout perdu en quittant la Yougoslavie « son voisin serbe orthodoxe… sa fiancée croate... » montre la complexité des situations historiques, politiques, identitaires…

De même, l’affrontement entre Jeanne la prof et ses étudiantes Sophie, Angèle et Amélie qui lui reprochent d’enseigner Les liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos qui ne sont pour elles que des « relations toxiques » et pour qui Valmont n’est qu’un prédateur, un violeur, comme tous les hommes… montre les différents visages du féminisme contemporain et démontre aussi les difficultés de communication intergénérationnelle.

 

Au fil de ces dix nouvelles, dix récits de vies cassées, fragmentées, « cabossées », mais reliées avec humanité par un fil d’or qui permet de recoller les morceaux, à l’image de ces bols de céramique que la tradition japonaise appelle « kintsugi » (p. 130) et qui au final deviennent des objets récupérés, réparés... mais à haute valeur ajoutée !

                                                                                                                                 Joël Glaziou

                                                (Lire nouvelle de Belinda Cannone dans Harfang N° 54)

 

Lire la suite des critiques de recueils dans le Nouvellaire d'Harfang N° 64 à paraître en mai 2024 

 

mardi 13 février 2024

Meilleures micro- nouvelles de l’année 2023

 Pour la douzième année consécutive, 

le comité de la revue Harfang a établi 

le palmarès des meilleures micro-nouvelles de  l'année 2023 

publiées chaque mois sous l'onglet "Micro du mois"

C'est Nadège Ménassier qui a reçu le plus de suffrages pour sa micro-nouvelle "Pas de deux

(elle gagne un abonnement d'un an à la revue Harfang)

suivie de J.-Y. Robichon et de M.-A. Tuscan-Ollier (habituée de la rubrique et multirécidiviste) 


Notre rubrique "100 mots pour le dire" se poursuit : 

adressez-nous chaque mois vos micronouvelles de 100 mots maximum 

(contrainte impérative) 

à l'adresse de la revue 

revueharfang@laposte.com

 

Pas de deux

C

e midi, je suis allée déjeuner au soleil avec Baudelaire. Il m’attendait au bout d’une allée bordée d’acacias avec des airs de penseur empruntés à Rodin. Je lui ai parlé ; la statue s’est mise à trembler. Dans l’avenue Transversale, le cimetière était désert. C’est l’été, mais les feuilles mortes balayées par la brise courent dans les allées et s’engouffrent joliment derrière la grille rouillée des augustes tombeaux. Elles dansent avec un froissement de papier brûlé et dessinent des volutes dans leur pas. Au cimetière de Montparnasse, les morts sont plus vivants que les passants.

© Nadège MÉNASSIER (Octobre 2023)

En chemin

L

ongtemps, je vous ai croisé. Vous couriez d’une longue foulée légère. Vous aviez belle allure. Un jour, vous m’êtes apparu équipé de deux bâtons. Vous vous étiez initié à la marche nordique. Le balancement énergique de vos bras rythmait vos pas. Puis, ce fut la marche lente, oubliés les bâtons. Qu’importe, je reconnaissais de loin votre sobre silhouette dans votre éternelle tenue noire. Vous avanciez, tête baissée, semblant indifférent au paysage. Chaque jour, je guettais cette rencontre fugace. Sans nous connaître, nous nous saluions d’un petit geste de la main. Aujourd’hui, où êtes vous ? Vous me manquez.

 © Marie-Agnès TUSCAN-OLLIER (Novembre 2023)

Au rapport!

F

ier, impatient, le vieux capitaine attend. Dans sa redingote noire, comme chaque soir, il domine la cité. En ordre dispersé arrivent ses fringants lieutenants. Aux questions du capitaine, ils répliquent dans un dialecte âpre et grinçant. Quel étrange colloque, à qui sera le plus bruyant ! Et voilà que les rivaux s’emportent, brandissent leurs capes sombres, dressent le chef, s’indignent. Le ton monte. On bombe le torse. Les plus fougueux se rebiffent. Le capitaine s’agace, bat de l’aile; les lieutenants s’inclinent. Fin du rapport. D’un seul élan, tous, ils s’envolent. Quand tombe la nuit, où dorment les corbeaux ?

 © Jean-Yves ROBICHON (Mai 202

lundi 1 janvier 2024

BONNE ANNEE 2024


 

HARFANG
notre chouette fétiche
vous souhaite une 
BONNE ANNEE 2024
riche en lectures, en découvertes, en rencontres...

...et vous donne rendez-vous
 semestriellement avec les numéros 64 (en mai) et 65 (en novembre)
et mensuellement avec la "micro du mois"

dimanche 10 décembre 2023

HARFANG N° 63




Le 63e vol d’Harfang s’ouvre sur la rencontre avec trois femmes, d’abord nouvellistes puis romancières : Virginie Bouyx, Sylvie Dubin et Marie-Hélène Lafon… Les deux premières publient leur premier roman La varangue pour Bouyx et Le bruit des hommes pour Dubin après avoir publiés deux ou trois recueils de nouvelles… Elles s’expliquent donc sur les difficultés qu’elles ont du surmonter pour passer du court au long. Quant à la troisième, elle explique pourquoi elle a abandonné un recueil de nouvelles presque achevé pour écrire son dernier roman Les sources dont la nécessité s’est imposée à elle naturellement.

Puis dans la rubrique « Nouvelles sans frontières », on peut découvrir la première traduction en français (par Samuel Bidaud) d’une nouvelle (« L’homme sur la route ») du romancier tchèque Jan Čep (1902-1974)… suivi d’un hommage à Guillemette de Grissac, disparue début 2023, à travers quelques micro-nouvelles en 100 mots dont elle était friande.

Enfin on peut lire la livraison semestrielle de nouvelles choisies par le comité. Entre autres,  « Le voyage immobile » de Christine Dupéré-Lassalle, « Rose et Paul » de Régine Ghirardi qui raconte la rencontre de Rose Scoazec et de Paul Gauguin à Pont-Aven,  le curieux « Pont vivant » de Didier Gotthold… et pour finir « Une petite suite cauchemardesque » de 7 textes de Julien Grandjean ainsi que deux courtes nouvelles signées Thomas Zevski extraite d’un recueil intitulé Regards extérieurs dont on reparlera sûrement.

Harfang N° 63, 124 pages, 12 €

Chèque à l’ordre d’Harfang à l’adresse suivante

Harfang 13 bis avenue Vauban 49000 ANGERS