mardi 29 décembre 2015

MEILLEURS VOEUX 2016


HARFANG vous souhaite une BONNE ANNEE
 
 
En 2016, suivez notre chouette blanche...
et son étoile annonciatrice
de BONNES NOUVELLES !
 

Les recueils primés en 2015


 A l'heure des rétrospectives de l'année 2015, voici à titre d'information une liste de recueils de nouvelles qui ont été primés ces derniers mois.
Même si cette liste n'est ni exhaustive ni représentative, elle peut constituer un bel échantillon des meilleures nouvelles de l'année et donner quelques idées de lecture...

 
Prix Goncourt de la nouvelle 2015
Patrice Franceshi  pour Première personne du singulier (Points Seuil)
 


Prix SGDL de la Nouvelle 2015
Scolastique Mukasonga  pour Ce que murmurent les collines (Gallimard)
 
Prix Boccace 2015
Julien Bouissoux pour Une autre vie parfaite (L’Âge d’Homme)
Prix Litter’halles 2015
Daniel Cario pour La camarde (Locus Solus)
Prix de la Femme Renard 2015
Derek Munn pour Un paysage ordinaire (C. Luquin)
Prix François Mauriac de l’Académie Française 2015
Virginie Bouyx pour Villes Chinoises (Gallimard)
 
Prix du premier recueil 2015 (SGDL)
Jérôme Orsini Des monstres littéraires (Actes Sud)
Prix Ozoir’elles 2015
Ethel Salducci  pour Singulière agape (Luce Wilquin)
 
 
 
 
 

vendredi 6 novembre 2015

HARFANG N° 47 : une mosaïque multicolore

Si le Harfang est connu pour la blancheur de son plumage qui lui permet de se fondre dans les paysages de neige, il est des harfangs au plumage plus varié. Il n’en faut pour preuve que cet Harfang caméléon N° 47 qui vient de prendre son vol à l’approche de l’hiver…

Varié dans ses formes d’abord, puisque parmi les douze nouvelles de cette livraison, certaines sont proches de la micro-fiction (avec J.-J. NUEL), d’autres du pastiche (avec P. FOURNEL), d’autres encore du conte et d’autres enfin de la chanson (avec C. ZALBERG).
Varié aussi dans ses provenances, puisque nous croisons notre oiseau fétiche en Alaska, ce qui semble être son aire naturelle (dans Alakshak de M.-C. BOURJON) mais aussi dans des régions moins septentrionales, au Japon (dans La Petite de L. SELLIER), en Espagne ou en Italie…
 
 
Varié enfin dans ses rencontres fortuites et ses ascendances littéraires puisque nous croisons Orphée (dans l’Eurydice de B. GAUTIER), Baudelaire et Nerval (dans La sirène rêveuse qui joue dans l’arbre de N. FEUILLARD), H. Bosco (dans Une hésitation de L.-M. FOUASSIER), G. Simenon (dans Maigret et la mercière folle de P. FOURNEL), G. Bataille et M. Leiris (dans Une faena particulière de M.-F. EHRET)… et enfin Einstein lui-même dans un train (à la fois dans Vu du train de M. BENARD et dans Ajkal de S. TARSIER)…
Voici donc un Harfang aux plumes variées dans ses tonalités et ses couleurs, une véritable mosaïque multicolore.

Harfang N° 47, 120 p., 12 € (chèque à l’ordre d’Harfang 13bis avenue Vauban 49000 Angers)
Après lecture, n’hésitez pas à nous livrer vos impressions sur le blog ou par courriel
 

 

mardi 3 novembre 2015

HARFANG aux SALONS d'OZOIR et de BURES

 

Harfang reste fidèle aux rendez-vous annuels des Salons du Livre où la nouvelle est à l'honneur.

 
Cette année encore, Harfang sera présent à la neuvième édition du Salon d'Ozoir la Ferrière (77) qui a lieu le samedi 21 novembre de 10 heures à 18 heures à la Ferme Pereire.

 


A cette occasion, deux prix seront remis :
 
D'abord le Prix Ozoir'elles 2015 où les 4 recueils  en compétition sont signés par des femmes : Isabelle Baldacchino, Ananda Devi, Sylvie Dubin et Ethel Salducci...
 
Puis le Prix de la nouvelle qui sera remis par le Président du jury J.-M. Blas de Robles...
 
 
Harfang sera également présent au Salon de Bures-sur-Yvette (91) le samedi 28 novembre de 10 heures à 19 heures.
 
Venez nombreux nous rejoindre sur notre stand pour découvrir le numéro 47 d'Harfang...
et nous faire un signe d'amitié : un cadeau vous attend !


 

vendredi 23 octobre 2015

PRÊT... POUR LE PRIX DE LA NOUVELLE D'ANGERS 2016 !

Nouvellistes...
 
à vos plumes ! à vos claviers ! à vos écrans ! à vos imprimantes !
 Le compte à rebours est commencé...
il ne vous reste plus que quelques semaines pour peaufiner vos recueils
et pour participer à la sixième édition du Prix de la Nouvelle de la Ville d'Angers...
 
Rappelons... pour répondre à vos questions
 
 - que le règlement est consultable dans la revue et sur le blog sous l'onglet Prix et Concours,
- que les 3 exemplaires du recueil participant (accompagné d'un chèque de 10 € et d'une fiche de présentation) doivent -impérativement- être adressés entre le 1 et le 31 janvier 2016,
- que l'impression recto-verso est possible et même conseillée écologiquement et économiquement (cela diminuera les frais d'envoi puisque les tarifs de La Poste augmentent au 1 Janvier ! )
- que les éditions Paul&Mike sont notre nouveau partenaire pour la publication et la diffusion du recueil primé (pour rassurer ceux et celles qui s'en sont inquiété après la disparition des éditions D'Un Noir Si Bleu).
 
 
Combien serez-vous de participants sur la ligne de départ ?
 
Qui succèdera en 2016 à Patricia Chauvin-Glonneau (2006), Marc Bénard (2008), Sylvie Dubin (2010), Marie Pontacq (2012), Estelle Granet (2014)...  lauréat(e)s des éditions précédentes *?
 
 
 
 
 



Peut-être vous... ! 
Pour les réponses,
rendez-vous en Novembre 2016 !
 
 Alors, prêts ? Alors part(icip)ez !
 
  
* Malgré la disparition des éditions Siloë
et D'un Noir Si Bleu,
quelques exemplaires des recueils primés lors des éditions précédentes
sont encore disponibles
contre un  chèque de 10 € (franco de port) 
 auprès de la revue Harfang
(13bis avenue Vauban 49000 Angers)

Pour tout renseignement ou question, adressez un mail à
revueharfang@laposte.net
 
 
 
 

jeudi 6 août 2015

La nouvelle thérapie de Régine DETAMBEL… et du Docteur HARFANG !


Dans son essai pour une « bibliothérapie créative »,  Les livres prennent soin de vous (Actes Sud), Régine Detambel (écrivain et kinésithérapeute) a récemment rappelé que la lecture, sous toutes ses formes, peut être une thérapie… à condition de choisir les livres qui conviennent à chaque individu et à chaque pathologie !
Cette « nouvelle thérapie » est cependant d’une nouveauté relative…
Depuis longtemps, les lecteurs d’Harfang ont pu constater les bienfaits d’une lecture vespérale, notamment sur la qualité de sommeil. « Lire une nouvelle au coucher » est depuis longtemps l’ordonnance favorite du bon docteur Harfang. Certains ont même pu déplorer à ce propos que les revues et les recueils de nouvelles ne soient pas encore remboursés par la Sécurité Sociale… car ils sont souvent plus efficaces que les somnifères et les anxiolytiques et ils obèrent moins les dépenses globales de santé !
Soyons sérieux. Chacun a pu constater qu’un enfant a besoin d’une lecture avant de s’endormir. Le conte lui permet de se projeter, de s’identifier, de faire face aux problèmes rencontrés dans la réalité… Pourquoi n’en serait-il pas de même pour l’adulte ? La lecture lui offre un sas, un entre-deux vital, un espace entre la vie réelle et la fiction, le rêve, l’imaginaire… lui permettant ainsi de régler maux, conflits et problèmes divers. Il suffit de se rappeler comment, de soir en soir, de conte en conte, Shéhérazade guérit peu à peu Shahryar de sa jalousie, de sa violence…
Certes, notre expérience de « bibliothérapie » est limitée à un groupe de lecteurs ; certes, elle n’a pas de valeur reconnue par la communauté scientifique ; certes, notre article ne paraîtra pas dans les prestigieuses revues « Science » ou « Nature »…
Mais vous pouvez toujours essayer et suivre les bons conseils du Docteur  Harfang… vous nous en direz des  nouvelles !

 

 

vendredi 10 juillet 2015

QUE LIRE CET ETE : ROMANS OU/ET NOUVELLES ?


ou quelques interrogations sur les genres et les appellations

Les ouvrages récents de Cavailles, Jauffret, Mauvignier, Quignard, Thobois et quelques autres sont-ils des romans (comme l’indiquent les couvertures)… ou bien des longues nouvelles isolées… ou encore des recueils de nouvelles ?
Autrement dit, le lecteur peut-il se fier aux étiquettes… ou doit-il s’interroger comme le consommateur qui fait ses emplettes dans les rayons de son hyper marché ou sur l’écran de son ordinateur ?
Souvent le seul critère de longueur a semblé pertinent pour distinguer un roman d’une nouvelle. Mais est-ce aussi simple ?
Déjà dans les siècles passés, l’appellation est fluctuante : La Princesse de Clèves de Madame de Lafayette est-elle une longue nouvelle historique ou un roman d’analyse psychologique ? Et Colomba de P. Mérimée est-elle une longue nouvelle ou un court roman ?
L’interrogation reste d’actualité lorsqu’on lit la Vie de Monsieur Leguat (72 pages, éditions du Sonneur) de Nicolas Cavaillès qui est sous-titré « roman » (par l’auteur ? par l’éditeur ?) mais qui a reçu le Prix Goncourt de la Nouvelle 2014 ! Et plus récemment Le plancher de Jeannot d’Ingrid Thobois présenté comme « roman » mais qui ne dépasse pas les 75 pages (Buchet-Chastel, 2015) ! Dans ces cas et dans d’autres similaires où l’on raconte l’histoire d’une vie, certains proposent plutôt de parler de « récit ».
 
Derrière ce critère de longueur se cache souvent un jugement de valeur. Certains jugent, en reprenant la formule d’Ambrose Bierce, qu’un roman n’est qu’une « nouvelle considérablement rembourrée ». D’autres jugent, selon l’humeur, qu’une nouvelle est un roman avorté ou un embryon de roman.  Plus que la longueur, l’essentiel n’est-il pas de savoir si la narration « fonctionne » et si le lecteur y trouve son plaisir ?
L’interrogation prend une autre dimension lorsque l’on passe de la nouvelle isolée au recueil et que l’on oppose la diversité des nouvelles rassemblées en recueil à l’unité du roman. Nouvelles au pluriel contre roman au singulier. Et le problème se complique, notamment ces dernières décennies, puisque de nombreux recueils de nouvelles se retrouvent affublés de l’étiquette « roman ». Cette ambigüité de définition et d’appellation étant souvent entretenue par nécessité éditoriale. Certes l’étiquette ne fait pas le produit… mais le lecteur peut se sentir trompé (tout comme le consommateur peut être trompé sur la marchandise… quand il trouve du cheval dans son pâté certifié pâté d’alouette !)
Ainsi L’ange aveugle (Le Seuil, 1992) de Tahar Ben Jelloun est-il appelé « roman » alors même que les nouvelles qui le composent ont été publiées précédemment comme « nouvelles » dans la presse… et devient « recueil de nouvelles » lors de la réédition en collection de poche quelques années plus tard.
Plus récemment Régis Jauffret dont les 500 Microfictions (Le Seuil, 2007) sont sous-titrées « roman », récidive en publiant aujourd’hui Bravo (Le Seuil, 2015) un ouvrage sur le thème de la vieillesse sous-titré lui aussi « roman » et qualifié par l’auteur de « roman-mosaïque » mais qui propose bel et bien 16 nouvelles, excellentes au demeurant et toujours aussi incisives (qui se lisent de manière indépendante)… Mais tout recueil n’est-il pas aussi une « mosaïque » de textes ? Et Mosaïque n’est-il pas le titre choisi par Prosper Mérimée quand il décida de regrouper ses nouvelles et de composer un recueil ?

Parallèlement, Laurent Mauvignier spécialiste du roman polyphonique, « roman choral » comme on dit aujourd’hui, publie Autour du monde (Minuit, 2014) roman composé de quatorze histoires (nouvelles ?) qui se situent dans toutes les parties du monde, quatorze destins touchés par  le tsunami de mars 2011… Le lecteur passe ainsi d’un pays à l’autre autour du monde, d’un personnage à l’autre -parfois à l’intérieur d’une même phrase- mais les nouvelles s’enchaînent en un continuum d’histoires, sans rupture narrative. Ici l’art de la chute est remplacé par l’art du rhapsode, l’art de la transition, de la couture invisible.
Cela n’est pas sans rappeler que dans les années 90, avec Chien de gouttière (Seghers, 1990) et Esperluette et compagnie (Seghers, 1991), Hôtel intérieur, nuit (HB éditions, 1995),  Jean-Noël Blanc avait lancé la formule de « roman-par-nouvelles » lorsqu’une unité de lieu, de temps, de personnages, de thèmes donnait plus de cohérence à l’ensemble ainsi constitué.
Mais n’est-ce pas là brouiller encore plus les repères ? Là où le romancier cherche à diversifier les voix narratives (pour ne pas ennuyer son lecteur ?) le nouvelliste est en quête d’unité et d’une composition qui relie les éléments entre eux pour éviter la dispersion.  C’est considérer que l’ensemble (roman ou recueil) est supérieur à la somme des parties (nouvelles isolées). La composition unifiée d’un recueil créerait donc une plus-value, un surplus de sens.
Dans les deux cas et de manière opposée, ce que cherche l’écrivain (romancier ou nouvelliste) n’est-ce pas l’unité dans la diversité ? Peu importe le moyen d’y parvenir. Le complexe que le nouvelliste peut développer à l’égard du romancier peut être dépassé à condition d’oublier l’opposition entre « unité OU pluralité » pour la fusion entre « unité ET pluralité » ! C’est ce que proposait déjà Marcel Arland dans ses « recueils-ensemble » comme Il faut de tout pour faire un monde (1947) ou L’eau et le feu (1960). L’unité et la diversité sans la dispersion lorsque dans un recueil, la composition et les liens entre les nouvelles font que l’ensemble est supérieur à la somme des parties, des nouvelles isolées. Et que les fragments puissent s’organiser et former une figure lisible… Pour prendre une métaphore usée, c’est voir le bouquet et ne plus percevoir la fleur dans le bouquet… C’est ce défi que semble avoir surmonté Mauvignier… mais que Jauffret n’a pas réussi à relever.
N’est-ce pas là aussi le projet de Pascal Quignard depuis des décennies, avec les huit tomes des Petits traités, les neuf tomes parus à ce jour du Dernier royaume, œuvre en cours qui volume après volume  mêle tous les genres (aphorismes, proses poétiques, essais, notes, fragments de journal, nouvelles, contes, fables…). Les académiciens Goncourt ne s’y sont pas trompés en lui attribuant le Prix Goncourt en  2002 pour le premier tome Les ombres errantes.
N’est-ce pas déjà fait en littérature jeunesse où la pratique est courante.  Pour preuve ce « roman à sept voix » On n’a rien vu venir (2012, Alice Éditions) où sept auteures ont écrit une nouvelle sur la situation dans sept familles différentes à  la suite de l’élection du Parti de la Liberté… qui une fois au pouvoir exclut ceux qui s’écartent de la norme et supprime une à une toutes les libertés ! Rien d’étonnant à cela. Car pourquoi les recettes qui font le succès des séries télévisées ne pourraient pas être transposées à la littérature ?
En la matière, l’auteur a donc tous les droits… Pour lui, seule l’écriture importe. Le véritable créateur évite de reprendre les mêmes moules et les mêmes recettes. Les genres sont à recréer sans cesse. J.-M. G. Le Clézio n’écrivait-il pas en 1965 en avant-propos à son premier recueil  La Fièvre que les genres, « les poésies, les romans, les nouvelles sont de singulières antiquités qui ne trompent plus personne, ou presque » ?
Quant au lecteur, qu’importe l’appellation, pourvu que l’ivresse de la lecture soit au rendez-vous.

jeudi 18 juin 2015

Adieu l'ami... VAUTRIN !




 Jean Vautrin, alias Jean Herman,  né en l933 en Lorraine… vient de nous quitter le 16 juin.

Au début des années 70, Herman le cinéaste (scénariste et réalisateur, notamment de Adieu l'ami avec Delon et Bronson en 1968)   s’est effacé progressivement devant l’écrivain Vautrin.

Dès 1989 après Dix huit tentatives pour devenir un saint, il avait fait Un grand pas vers le Bon Dieu ce qui lui vaut sûrement aujourd'hui de rejoindre le paradis des nouvellistes…

 Auteur de 6 recueils de nouvelles et de nombreux romans Jean Vautrin a même été éditeur pendant quelques années (de 1991 à 1999) puisqu’il a créé et dirigé L’Atelier Julliard (publiant A. Saumont, C. Baroche et faisant découvrir P. Roze, J.-C. Duchon-Doris...)

 Il y a 10 ans exactement, il nous accordait  un entretien pour le numéro 26 de la revue Harfang… Nous entendons encore sa voix… nous vous proposons de l’écouter… parler du cinéma, de la nouvelle, de la vie et de la mort !



 
Bibliographie (Nouvelles)

Patchwork       Prix des Deux-Magots       Mazarine      1983

Baby Boom   Prix Goncourt de la Nouvelle  Mazarine 1986

18 tentatives pour devenir un saint    Payot     1989

Courage, chacun                   Julliard             1992

Si on s’aimait ?                          Fayard             2005
Maîtresse Kristal et autres bris de guerre  Fayard  2009



Entretien avec Jean VAUTRIN (HARFANG N° 26, 2005)
 
 

Jean Vautrin, vous venez de publier un cinquième recueil de nouvelles : Si on s’aimait ? chez Fayard. Quelles sont vos sources d’inspiration ?
J. V. : La musique des abandonnés est dans mon jeu. Les bancroches, les handicapés, les marginaux, les chômeurs, les différents, les laissés pour compte, les bannis, les impécunieux, les révolutionnaires, les humiliés, les opprimés de la société rouleau-compresseur sont mes modèles. J’aime écouter les drôles de voix tremblées de ceux qui racontent l’incompréhension, l’injustice ou l’infecte saumure du monde où nous sommes. J’aime la drôle de vie chahutée de ceux qui poussent des cris de colère, des cris de doute et de révolte. J’aime leur humour qui n’a plus rien à perdre. Clones, gigolettes, rebuts, transfuges, paumés, otages, beurettes, obèses, négros exportés-Boeing, funkies, junkies, prolos, filles violées, soldats écrasés par la guerre ou petites gens en quête d’un moyen bonheur, j’aime la terre entière. J’ai peur, je ris, je vomis, je proteste pour elle. La vie est si fragile ! L’espoir si précieux. C’est l’homme qui m’intéresse. Sa noblesse souillée. Sa vérité violée. Sa dignité détruite. Et aussi ses chemins douloureux. La contradiction de ses pas. Son devenir incertain. Ses fantasmes, sa fornication, qui le soumettent au troupeau. Ses gestes qui trahissent ce qu’il enferme dans son cœur. Croule le vieux monde dans ses horions de viandes, dans ses orages intégristes, dans sa brasse du fric, chez nous, ailleurs, du train où vont les cris, les supplications, les révoltes, mes sources d’inspiration ne sont pas prêtes de tarir !

Avez-vous eu des influences en matière littéraire ?

J. V. : Comment n’en n’aurais-je pas eu ? Inlassablement, l’homme qui cherche à frayer sa voie, le créateur, remet ses pas dans les empreintes de ceux qui l’ont précédé. Ce serait bien immodeste, n’est-ce pas, de penser un seul instant qu’on est singulier dans son talent au point d’être seul de son espèce ! C’est un plaisir, une joie fertile de se découvrir des affinités avec de grands indéracinables. C’est un devoir, je dirais, de cultiver ses Maîtres. Je distinguerais volontiers deux sources d’accompagnement pour ce qui me concerne : La première -peut-être la plus importante-, celle qui, au temps de l’adolescence ou même plus tard, a fait bourgeonner mon esprit, celle qui a ravitaillé mon cœur, qui m’a indiqué des routes possibles et a renforcé ma détermination à écrire le moment venu - c’était la période des lectures. Ainsi, sans la lecture de Cervantes, pas de générosité, pas de regard vers l’utopie. Sans Alexandre Dumas, sans Charles Dickens, sans Victor Hugo pas de voyages aventureux, pas de folie digressive, de grands romans de fougue, pas de volonté de ma part pour ressusciter la tradition du roman feuilleton. Ergo, pas de Boro ! À la soute les Aventures du reporter photographe ! Sans Gaston Leroux, sans Conan Doyle, sans Maurice Leblanc, pas de détectives, pas de journalistes, pas de rebondissements ! Sans Emile Zola pas de démarche sociale. Sans Jules Vallès, pas de Cri du Peuple ! Sans Ferdinand Céline, sans le plus grand laboureur de mots de son temps, pas d’appétit pour le rythme, pour la langue parlée, pour la force de l’argot, pour la modernité de la langue, pour la vigueur de l’incantation, pour l’art de la syncope, pour la pratique de l’invective. Partant - pas de Symphonie-Grabuge ! Pas de passerelles en direction du cher Rabelais, point de connivences avec « l’hénaurme » de mon ami Frédéric Dard ! Sans Raymond Queneau avec qui j’ai travaillé au cinéma, pas de Billy-Ze-Kick ! Sans Faulkner et Hemingway, sans Eudora Welty et Carson McCuIlers, sans Caldwell et Norman Mailer, sans toutes mes lectures américaines, pas de Un Grand pas vers le Bon Dieu ! Sans Hammett, Thompson, Himes, Chandler, Goodis, Highsmith, Simenon, Charyn, Manchette, les autres, pas de romans noirs ! Au puits Bloody-Mary ! À la trappe Canicule, Typhon-Gazoline, Groom, Le Roi des Ordures ! Aux oubliettes L’Homme qui assassinait sa vie et même Louise B ! Et puis, la seconde source, celle des imprégnations, des échanges, des expériences, des apprentissages, des confiances, celle où l’on prend la mesure de soi-même face aux autres. La plus troublante, la plus formatrice aussi : c’est la période des rencontres…

Celles de cinéastes et d’écrivains contemporains ?

J. V. : Pour ma part, elles ont été nombreuses et déterminantes. Elles ont été de deux sortes puisque, avant de publier, j’ai connu, pendant quinze ans, une activité de cinéaste. Roberto Rossellini est tombé dans ma vie le 10 décembre 1956. C’était en Inde. Je correspondais avec Truffaut. J’enseignais Diderot et Voltaire à l’Université de Bombay tout en prenant des photos. L’inventeur du néo-réalisme était venu chercher le silence. Il voulait l’enfermer dans la parabole d’un film. Il a été mon ami et mon patron. Je lui dois infiniment et ce serait trop long de ra­conter ici le détail et le dédale de nos aventures de voyage et de tournage au cours des presque deux ans qui allaient suivre. À 22 ans, ma vie était large comme le delta du Gange ! Dans le sillage de Roberto, je rencontrai le Pandit Nehru, Indira Ghandi, Claude Bourdet, David Lean, je photographiai Boulganine et Kroutchev, je travaillai pour Satyajit Ray, je croisai Grémillon, le peintre Husein, Claude Renoir, j’en passe, et je sillonnai le continent indien du Népal à Trivendrum et du Radjasthan au Bengale. La vie, la mort, l’œuvre de Roberto Rossellini, ont fait un vacarme assourdissant dans mon âme. Il est resté mon maître à penser. Après, j’ai été assistant de Rivette et de Minelli et le temps d’un court-métrage ou deux, je me suis retrouvé en Algérie pour filmer la première bombe atomique française. Deux ans et demi de service militaire ont essayé de briser mes rêves. Mais, en vertu d’un déterminisme qui n’échappera à personne, le cinéma devait peu à peu me faire croiser la route des écrivains. C’était ma pente ! Ma chance commence mais ne s’arrête pas à Marcel Aymé avec qui j’avais un projet de film ("Les Sabines") puisque, quelques mois plus tard, je deviens le conseiller technique et l’assis­tant de Jean Cayrol et de Claude Durand. C’est à ma rencontre avec Raymond Queneau que je dois d’avoir tourné mon premier long métrage d’après le Dimanche de la Vie. Queneau qui m’a indubitablement mis sur le chemin de la gourmandise des mots. Queneau que je vénère. Plus loin, apparaît Félicien Marceau dont je porte à l’écran L’œuf, tiré d’une de ses œuvres théâtrales la plus connue. Et puis, voici Michel Audiard qui apparaît et me délie la gouaille. Dix ans de travail ensemble... Nous écrivons pour Grangier, Lautner, Pinoteau, Zulawski, Pires, de Broca, Boisset, Miller, Deray, j’en oublie. Nous n’avons jamais commencé une journée de cinéma sans préalablement parler de littérature. Nos week-ends voyaient affluer les copains, Antoine Blondin, "l’Acteur Carmet", le cycliste Pousse, les Frères Ennemis et René Fallet, des ogres de vins, de vélo, de camaraderie et de littérature. Enfin, au chapitre de la nouvelle, il me faut parler de ma fantastique et impressionnante rencontre avec Raymond Carver et pleurer une amitié interrompue par sa mort prématurée.

Dans votre œuvre, je verrais volontiers trois grandes périodes : celle qui démarre avec : A bulletins rouges et qui s’achève avec Canicule. La deuxième est constituée par l’ensemble des romans qui suit et se termine avec La vie Ripolin et le Goncourt, et enfin la plus récente qui commence avec Le roi des ordures et qui se poursuit jusqu’au dernier Le Journal de Louise B. Qu’en pensez-vous ?

J. V. : C’est René Fallet, justement, qui disait, non sans malice, « J’ai ma veine whisky et j’ai ma veine Beaujolais ». Les choses ne sont pas aussi tranchées pour moi ! 1) Indubitablement, il y a les romans noirs des années achélèmes (Bulletins Rouges, Billy-ze-Kick, Bloody Mary, Groom, Canicule, Typhon Gazoline). Ils traitent des années 70-80, des années pressées, des années fric. Ils se donnent la main. La dérision, l’humour noir y prennent une large place. C’est ma période Néo-Polar. 2) La Vie Ripolin et Symphonie-Grabuge sont beaucoup plus autobiographiques et se font suite, puisque Floche est le clone de Vautrin. Puisque Victoire est Anne. Puisque Benjamin est Julien. Puisqu’il est question de l’autisme dans l’un et du chaos où nous entraîne le libéralisme avancé dans l’autre. 3) Je rattacherais plutôt Un Grand Pas vers le Bon Dieu au désir plus lyrique d’aborder des romans de longue apogée, ancrés dans l’Histoire et proposant des personnages nombreux, traités dans la durée, des êtres manipulés par les événements, témoins et acteurs de leur temps. Ainsi en va-t-il également des cinq tomes existants des Aventures de Boro, reporter photographe écrits en collaboration avec mon ami Dan Franck (La Dame de Berlin, Le temps des cerises, Les Noces de Guernica, Mademoiselle Chat, Boro s’en va-t-en guerre), ainsi en va-t-il aussi du roman intitulé Le Cri du Peuple qui met en scène la Commune de Pa­ris. Ainsi en sera-t-il des ouvrages en cours, titrés Quatre soldats français et dont l’action se situe en 1917, au moment des mutine­ries. (Adieu la vie, adieu l’amour, La Femme au gant rouge) 4) La quatrième veine découle de la première et la prolonge. Elle prend la forme d’un nouveau cycle de roman noirs ancrés dans le cadre d’une thématique bien précise. Elle met en lumière des faits de civilisation emblématiques des années 90/2005 et rend compte de la saumure où nous sommes : paupérisme en Amérique du sud (Le Roi des Ordures), montée du fascisme ( Un Monsieur bien mis), délinquants en cols blancs (L’Homme qui assassinait sa vie), la violence et le viol (Le Journal de Louise B.), la solitude, la détresse des laissés pour compte ( Si on s’aimait ?).

Parallèlement à cette œuvre romanesque déjà énorme, il y a les nouvelles ! Vous considérez-vous comme un « boulimique de l’écriture » ? Qu’est-ce qui fait qu’un thème sera plutôt une nouvelle qu’un roman ?

J. V. : Il y a les nouvelles, oui. Une centaine environ ont été publiées à ce jour. Je ne pense pas qu’on puisse me considérer comme un « boulimique de l’écriture » même s’il est vrai que si l’on met bout à bout le tournage de six longs métrages comme metteur en scène (et leur adaptation), l’écriture d’une vingtaine de films comme scénariste ou comme dialoguiste, qu’on y ajoute plusieurs feuilletons tournés pour la télévision, qu’on prend en compte une dizaine de courts métrages d’auteur et qu’on homologue la publication d’une trentaine de livres - on s’aperçoit que je n’ai pas chômé avec l’écriture ! Tiens, j’oubliais que j’ai aussi peint et pris pas mal de photos (dont certaines sont publiées dans J’ai fait un beau voyage).

Revenons à la nouvelle.

J. V. : La nouvelle est un genre exigeant et qui me tient à cœur. Elle requiert une foulée spéciale, une tactique de course qui me repose de la longue imprégnation réclamée par le roman. L’écriture de la nouvelle implique un geste technique mis au service d’une précision horlogère du tempo, des mots, des phrases, de la respiration. C’est... c’est comment raconter une histoire avec l’économie de moyens la plus efficace possible. La pratique de la nouvelle représente un challenge pour tous les amoureux de la perfection de la forme. C’est souscrire à une discipline qui apprend à ses usagers la vertu du dégraissage à outrance. C’est abandonner l’arborescence au profit de la concision. C’est apprendre à couper, retrancher, tout ce qui est inutile, ornemental ou digressif. C’est tendre le récit en l’armant si possible d’un subtil suspens. C’est jouer sur le non dit. C’est se servir éventuellement du dialogue pour faire progresser l’action ou pour définir tel ou tel trait de caractère d’un personnage. Enfin, c’est prendre le lecteur pour un vrai partenaire consentant du jeu de l’auteur et de la souris.

Vous avez dirigé la collection de nouvelles « L’atelier » chez Julliard : quels étaient vos objectifs et quel bilan avez-vous tiré de cette expérience ?

J. V. : Il y a une dizaine d’années, j’avais poussé mon amour de la nouvelle jusqu’à me transformer en éditeur. J’avais créé la collection de « l’Atelier Julliard » grâce à Elisabeth Gilles et Elisabeth Samama. Et c’est mon orgueil aujourd’hui de pouvoir dire que d’Annie Saumont à Jacques Perret en passant par Christiane Baroche, Jean Teulé, Michèle Gazier, Didier Daeninckx, Ben Okri, Duchon-Doris ou Xu Xing, j’ai édité en l’espace de deux ans quelques unes de plus belles plumes de la nouvelle internationale. J’ai arrêté cette collection parce que cette tâche devenait si prenante qu’elle devenait un obstacle à ma propre écriture mais rien ne dit que je ne récidiverai pas. Même si je ne réalise pas ce nouveau rêve, du moins, j’espère avoir fait quelque peu avancer la cause des nouvellistes.

Parlons un peu de style, vous attachez beaucoup d’im­portance à la manière d’écrire, dans chaque roman, les phrases, le découpage, suivent de très près l’action et se confondent avec celle-ci, au point que dans un roman comme Canicule, un mot peut devenir une phrase à lui seul ?

J. V. : Il n’y a pas de vrai romancier sans style. Le style c’est l’air dans la bouche, c’est la voix. C’est l’instrument sur lequel vous jouez. C’est la corde ou le cuivre, le vibrato ou bien le couac, l’archet ou la trompinette. C’est la chanson de l’âme, cette inimi­table façon de faire briller les mots, de les assembler de façon à ce que le galbe de la phrase, sa sonorité, mais aussi, sa cadence, son arrogance, sa tonicité, la rende reconnaissable entre mille. A ce que la manière de s’exprimer soit unique.
Il y a de la fureur à écrire. De la rage à tenir le style. C’est dur, le style. C’est du remettez-moi ça sur la planche. Ça crève jusqu’au soir sous la lampe. Jusqu’à se foutre des orgelets ! Mais quelle récompense ! N’empêche la langue, tenez. Rien que le plaisir de la langue, voilà déjà un cap important vers lequel cingler ! Un pari avec l’exigence qui hausse le vagabond de l’esprit jusqu’à la lisière du dépassement de soi-même. Et puis dites, la zizique ! Attaque au mot ! La mélodie des phrases ! Le fredon, la cadence, la douceur ou la force ! Le mystère du voyage sur la fenêtre de l’ordinateur. Voilà qui n’a pas forcément un paisible goût de sucre !

Vous considérez-vous comme un inventeur de mots, un créateur de langage ?

J. V. : Pour ma part, je ne torchonnerai jamais un petit boulot d’écrivain tranquille. Toujours, il faut que j’aille fouiller les mots. Que je les détrousse, gratte, repeigne, attise. C’est un exercice musculaire, presque. Un très puissant bazar.

Si on parle de Queneau et de Rabelais, en parlant de vous, qu’en pensez-vous ?

J. V. : Du bien ! Du gai ! Du généreux ! Comme je le disais à l’instant, en tamisant le vieux terreau qu’on a perdu, on s’aperçoit de la belle force de la langue française. Jadis, elle coulait large comme une cuisse de Rubens. Dans la tête, dans les tripes, les mots ne grouillaient pas froid. Je vous le redis après Céline, Rabelais avait de la glotte. Il marchait au rire, à l’accumulation, à la ventrée. Il avait le vin sur la table et le ventre sur les genoux. Eh bien, j’en suis ! Quand à Queneau, son intelligence amusée, l’immense spectre de ses intérêts me fascinent. En rêve, il est mon presque père.

Mettez-vous souvent le nez dehors ?

J. V. : Le moins souvent possible. J’ai soixante-douze ans. J’attends qu’on me canonise !

Qu’aimez-vous le plus dans la vie ?

J. V. : Vivre.

Et a contrario que détestez-vous le plus ?

J. V. : Mourir ! Quoi qu’on dise, ça doit faire atrocement mal ! 
 
Lire l'intégralité de cet entretien dans Harfang N° 26

mardi 2 juin 2015

HARFANG N° 46 : Rencontre à la SADEL


A l'occasion de la sortie du N° 46,
HARFANG est invité
à la SADEL le VENDREDI 12 Juin
pour présenter la revue (son histoire depuis 1992, son fonctionnement, ses secrets de fabrication...)
et pour donner la parole aux auteurs angevins présents au sommaire :
 Bruno DENIEL-LAURENT, Sylvie DUBIN, Jacques COURTIN...
 
 
Présentation de la revue HARFANG
A la découverte d'Harfang
ou la fabrique d’une revue de Nouvelles.
Depuis 1992, une petite équipe de passionnés, dont le noyau dur est angevin, anime cette revue littéraire exemplaire. 
Comment expliquer l'incroyable longévité de cette revue, une des dernières consacrée à la Nouvelle aujourd'hui en France ? 
A l'ère d'Internet et du numérique,  peut-on parler de défi ou d'utopie ?
 
 
Présentation de la revue HARFANG
Le n° 46 vient de paraître. Une fois n'est pas coutume, il fait la part belle aux angevins : 
  
Bruno DENIEL-LAURENT, Sylvie DUBIN, 
Jacques COURTIN, Joël GLAZIOU
seront présents pour vous parler de cette aventure
 et pour lire leurs textes.
(Avec la participation du comédien Marc Béziau)

Vendredi 12 Juin à 19h

Librairie SADEL – 7 rue Vaucanson – Angers St Serge     
   

Lectures apéritives et dédicaces
Venez nombreux nous rejoindre










 













 
 
 

lundi 1 juin 2015

HARFANG 46 : un livre d’Histoire(s) ?



Vous aimez les histoires… alors vous aimez Harfang et vous aimerez ce numéro 46, rempli de bonnes histoires !

Des histoires de là-bas, du Viêt-Nam quand V. Bouyx nous guide dans « la Baie d’Ha Long », du « Kamchatka » où nous emmène C. Abaluta ou du Rwanda quand N. Barsacq nous raconte « à l’ombre » une histoire de « muzungu ».

Des histoires d’ici, lorsque L. Fernandes brosse le portrait d’Anna et F. Germanaud celui de l’éphémère « Monsieur Hiver ».

 

Des histoires d’hier quand S. Dubin nous rappelle un épisode oublié de la guerre 14-18 avec les aventures de ce « Cher ami », matricule 615 ou quand F. Pesty relate -à sa manière- les aventures du savant suisse A. Piccard (qui servit de modèle à Hergé pour son personnage du Professeur Tournesol) dans « Tryphon dans un verre d’eau »… alors l’Histoire prend même un H majuscule !

Enfin des histoires d’aujourd’hui avec un peu d’humour et de fantaisie lorsque B. Deniel-Laurent dans « La levrette de la discorde » et H. Hamon dans un « Vaudeville » nous parlent des « dessous » de l’histoire politique contemporaine !


Encore une fois, Harfang conjugue Histoire et histoires… pour le plaisir de tous les amateurs de bonnes nouvelles !
 
 
 Histoire d’en savoir un peu plus (mais pas tout !), voici l’incipit des nouvelles citées ci-dessus :

 « La Baie d’Ha Long »: « Hello everybody, welcome to Vietnam !... »
« Kamchatka » : « C’est comme toujours l’hiver… »
« A l’ombre » : » Ce matin encore elle est seule… »
« Anna » : « Traverser la mémoire, c’est traverser le temps… »
« Monsieur Hiver » : « C’était l’heure de la récréation, nulle nécessité de vérifier l’heure de la cuisine… »
« Cher ami » : « Tenir. Il ne sait pas au juste ni pour qui ni pour quoi… »
« Tryphon dans un verre d’eau » : «  On tient d’une personne anonyme les paroles suivantes prononcées au jour de l’enterrement de l’intéressé : Auguste Picard c’était pas la moitié d’une tronche… »
« La levrette de la discorde » : « Je mouille en abondance, m’avertit Faustine… »
« Vaudeville » : « C’était sa raideur qui m’attirait, son masque bégueule et timidement hautain… »

 Harfang N° 46, 124 p., 12 € (chèque à l’ordre d’Harfang 13bis avenue Vauban 49000 Angers)
Après lecture, n’hésitez pas à nous livrer vos impressions sur le blog ou par courriel

 



mercredi 29 avril 2015

Coups de coeur : ADAM, DUBIN, GREGGIO...


Les impudiques, Philippe Adam, Verticales, 208 pages, 18 € 50

Après avoir traité la vieillesse dans Centenaires (2010) et les jeux de hasard dans Jours de chance (2011), P. Adam reprend ici le même dispositif narratif en inventant des témoignages sur la sexualité. Entre enquête sociologique et reportage journalistique, il donne la parole à nos contemporains en proie à la libido. Le lecteur se trouve alors devant une sorte de kaléidoscope, multipliant les points de vue et composant ainsi une sorte de patchwork fait d’instantanés, de fragments, de monologues…
 

De longueur, de registre et de ton très différents, certains de ces instantanés qui saisissent souvent avec dérision la misère sexuelle de l’époque ne sont pas sans rappeler les « nouvelles en trois lignes » de F. Fénéon ou encore les « microfictions » de R. Jauffret.
 
    Pour éviter la dispersion et l’ennui, P. Adam a introduit quelques séries, sortes de mini-feuilletons qui apportent une certaine continuité à l’ensemble. D’abord avec cette femme qui raconte sa première fois, sa deuxième… sa vingtième… et « les fois d’après » tant la série semble inépuisable ! Puis les messages échangés avec Jean-Louis sur un forum… Et l’histoire de la vengeance de Suzanne malmenée sur le tournage d’un film porno. Aussi l’histoire de Solange, la mamie vedette de « Solange est aux anges »et « Solange s’envoie en l’air » qui tourne des pornos pour arrondir ses fins de mois ! Ou encore les déboires d’un couple homosexuel à Avranches. Et enfin les aventures, vécues épisode par épisode, de cette chinoise qui arrive dans un village de montagne où n’habitent plus que des hommes.

S’il s’agit bien de récits impudiques, il convient pourtant de préciser que l’on est loin de la vogue hard et des clichés à la mode sur l’érotisme. Et d’ajouter qu’il y a aussi de l’humour (avec ceux qui annotent le dictionnaire médical sur l’anatomie d’un sein ou d’une verge), de la dérision (ah ! les récits de fiascos !) et enfin beaucoup de tendresse pour tous ces personnages qui sont souvent à la dérive.

Signalons enfin (cerise sur le gâteau !) le plaisir de lire de superbes « micro-nouvelles » qui auraient pu figurer dans notre rubrique « Cent mots pour le dire ». À lire entre autres « Compter les moutons » (p. 128) ou « Sans rancune » (p. 155) : un régal !

Joël Glaziou

L’Empouse et autres écarts, Sylvie Dubin, Paul&Mike,  258 p., 15 €

Après la galerie de femmes de son premier recueil (Selon elles qui lui a valu le Prix de la Nouvelle de la Ville d’Angers en 2010), S. Dubin offre aux lecteurs un recueil tout aussi composé, mais dans un registre très différent, souvent proche d’un fantastique littéraire et « insolite » comme le qualifie Myriam Boucharenc dans la préface.

Chacune des 14 nouvelles se situe entre rêve et réalité et repose sur un écart par rapport à la norme ou la logique dans les actes les plus simples de la vie quotidienne. Écart aussi par rapport aux codes et aux genres littéraires. Écart de langage enfin qui génère souvent l’histoire elle-même.
Ainsi dès la première nouvelle, le titre (Le chagrin dans la peau) et le nom du personnage (Valentin Azerty) renvoient le lecteur au fantastique balzacien. Et aussi au conte de fées puisque la machine à écrire chinée dans une brocante possède le don de « dire la vérité » et que chaque phrase écrite est aussitôt exaucée…
    Mais pour trouver le vœu ultime avant l’usure du ruban, il faudra quitter le fantastique en revenant à la réalité et à la situation initiale.

Écart également par rapport aux mythes quand dans une nouvelle proche de la science-fiction, « Mutatis mutandis », le mythe biblique de la création est inversé. Quand Gabriel, ancien torero et nouveau Thésée, inverse le mythe du minotaure dans les « passages circulaires » et le labyrinthe des arènes dont il est devenu le gardien. Ou quand à la faveur d’un froissement de voile, c’est Galatée qui crée littéralement le sculpteur. 

Écart enfin par rapport aux codes et aux genres quand dans la nouvelle centrale (le recueil étant composé en miroir) « In folio », le personnage se retrouve dans le décor d’un roman policier qu’il a lu autrefois et où personnage et lecteur sont invités à chercher « derrière le rideau ».

Avec ces écarts et ces petits décalages, l’auteur laisse du jeu, crée  un espace où le sens peut s’insinuer et le lecteur faire preuve de perspicacité et d’imagination. Qu’il s’agisse du jeu de piste ou du jeu de mots, d’une enquête policière ou d’une quête de sens, le lecteur est invité à déchiffrer, à décoder ce qui s’écrit à l’envers du texte, « derrière le rideau ». Pour cela, il doit lire dans chaque mot, dans chaque écart la trace laissée par l’auteur. Un peu comme les cailloux du Petit Poucet pour retrouver son chemin.

Ainsi la deuxième nouvelle joue sur la polysémie puisque l’histoire se construit sur les trois acceptions du mot « empouse » : insecte, spectre et fausse idée.

Pour d’autres, onomastique et anagramme sont autant d’indices de lecture. Dans « À corps écrit », le personnage qui voit sa peau se couvrir de lettres, de mots, de « phrases-Babel » qui mêlent des langues inconnues… s’appelle Lentiret (anagramme de « lettrine »)… Quant au double qui parasite la vie du narrateur qui voulait se suicider, il s’appelle Anderich (ander-ich : « l’autre-moi » en allemand).

Enfin, si la contrepèterie finale dans « Les scélérates » peut être une aide secondaire pour le lecteur,  le jeu palindromique présent dans les onze sous-titres de la très borgésienne « Prophétie des miroirs » est essentiel pour sa compréhension.

Avec son lot de miroirs, de doubles, de cercles et de labyrinthes, on se trouve bien dans un univers fantastique. Mais au-delà des clins d’œil évidents à Borgès et Cortazar, dans cette bibliothèque infinie qui se tient à l’envers de ce recueil, il y a aussi des références à des livres et des auteurs imaginaires qui ne doivent pas faire oublier que l’humour est aussi une forme d’écart, une prise de distance par rapport au réel.

Ce faisant, à la manière d’un Raymond Roussel qui livra la clé de ses romans dans son ouvrage intitulé « Comment j’ai écrit certains de mes livres », S. Dubin lève le voile ou le rideau en nous livrant métaphoriquement quelques secrets d’écriture et quelques leçons de lecture. Qu’elle en soit ici remerciée !

Joël Glaziou
 

Femmes de rêve, bananes et framboises, Simonetta Greggio, Flammarion, 144 p., 17 €

Voici sept nouvelles traversées par l’amour et la mort. Vie, amour et mort mêlées en une danse légère et grave comme dans la chanson de Paolo Conte qui mêle « femmes de rêve, bananes et framboises »  et qui donne son titre à ce recueil.

Dans « Os de lune », il y a la légèreté d’un « rêve d’oiseaux de toutes les couleurs » et d’un air de violon en plein cœur du camp d’Auschwitz, au moment où le personnage perd son ami Mirko. Il y a aussi le regard de Mond, la chienne  SS au nom de lune qui « était du côté de la vie » et qui l’accompagne au moment de fuir le camp au péril de sa vie.

Légèreté et gravité aussi, dans l’évocation de Romain Gary dont la vie oscille entre « la joyeuseté de la rage [et] la vitalité de la colère » et dont la silhouette hante la nouvelle « quelque chose comme du bleu ». Et l’on sent le regard de compassion de Simonetta sur  un Romain Gary au moment où sa vie bascule, où Jean Seberg s’éloigne et où il se dédouble en Emile Ajar !
N’est-ce pas ce même regard que l’on retrouve chez le personnage de la nouvelle « il pleuvait quand je suis partie » (déjà publiée dans Harfang N° 42) qui  avoue n’aimer que ceux qui sortent de la norme : « je n’aime que les anomalies et les fêlures chez les êtres, les déchirures et les failles, car c’est par là que s’engouffre la vie, que la lumière passe » (p. 95) ?

Car S. Greggio porte sur ses personnages un regard bienveillant, un regard de compassion, « compassion animale, celle que l’homme devrait avoir pour l’homme, pour les arbres et l’herbe et tout ce qui l’entoure » (p. 17). Regard de compassion sur l’enfant qui nait, sur l’ami qui meurt, sur l’amant après l’amour, sur l’amour qui s’éloigne.

Enfin, léger et grave, il y a l’amour jusque dans la mort quand S. Greggio dresse la liste de tout ce qu’elle aime dans la vie (nager la nuit, dîner sous le mûrier, écouter les Suites pour violoncelle de Bach, frissonner de fièvre, penser à la mort, penser à la vie…) et organise ses propres funérailles en souhaitant que des garçons « nus et gémissants, se jettent sur [son] cercueil » !

Joël Glaziou