Entre le pique-nique et la sieste, entre le barbecue et la piscine, voici nos coups de cœurs pour l’été : menu au choix (entrée-plat-dessert) sans ordre ni priorité…
En effet pour réussir une nouvelle, comme un bon plat, il ne s’agit de reprendre quelque bonne vieille recette, de réchauffer un plat préparé exotique, comme ces « saloperies mexicaines épicées ». Il faut chatouiller les papilles (et les neurones) des lecteurs avec d’autres ingrédients : une pincée d’humour par exemple, un peu de fantaisie, beaucoup de surprises (art où V. Ovaldé excelle en variant rythmes, sujets, dialogues, registres…) et enfin une petite touche personnelle (quand narrateur… narratrice ou autrice, s’adresse directement au lecteur et lui fait quelque clin d’œil de connivence).
Quant à
réussir un recueil, il ne s’agit pas de proposer une suite comme pour réussir
un repas (style entrée-plat-dessert) mais de composer un véritable menu
harmonieux où les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
L’enchaînement des nouvelles fait ici l’objet d’un soin particulier : chaque nouvelle entretenant un « lien de parenté » ou de
proximité avec la précédente et la suivante : ainsi Eva Coppa (la mère),
Bob (la fille-garçon), Laszlo (l’oncle)…etc. passent d’une nouvelle à l’autre
comme par « tuilage », chaque personnage en éclairant un autre. Comme
dans un feuilleton ou une série, le lecteur conserve ainsi en mémoire et
en bouche les informations distillées par le narrateur pour raconter les choses
extraordinaires qui arrivent dans le quotidien très ordinaire des personnages aux vies imparfaites.
Les
académiciens Goncourt, dont on sait qu’ils apprécient les menus raffinés de
chez Drouant, ne s’y sont pas trompés en lui attribuant le prix Goncourt de la
nouvelle 2024 !
Le
recueil refermé, il reste en mémoire et en bouche la saveur, le parfum de plats
savamment cuisinés. On en reprendrait bien un peu... mais il faudra attendre le
prochain recueil concocté par V. OvaldÉ…
Joël Glaziou
( à suivre
dans Harfang N° 65 à paraître en novembre 2024)
Si vous aimez les chiens… alors tout va bien aussi, vous n’aurez que l’embarras du choix entre Gamin, Sibo ou un adorable chiot nommé Godzilla, à moins que vous ne préfériez le bouledogue géant qui protège « à l’abri des ombres » ou bien Goliath le dobermann de Jacob… ou mieux encore « les douze kilos d’amour » de Cookie, la superbe podenca de Selma qui descend directement d’Anubis !
Mais « si vous n’avez pas de chien, votre vie ne vaut probablement pas d’être vécue »
comme l’affirme la quatrième de couverture… cependant il vous sera toujours possible de reporter votre affection sur un chat ou une vache. Car tout est possible dans les nouvelles de Lunatik !
Et si l’amour pour les animaux,
surtout pour les chiens ne se dément pas, les amours entre les hommes et les femmes
se terminent mal en général, en phobies
meurtrières parfois, en road trips
hallucinés sur autoroutes ou pistes africaines à bord de voitures
improbables : R 21, 205 ou Seat Alhambra !
Dans tous les cas, voilà un
recueil dont le titre ne trompe pas car dès la première page, le lecteur est
prévenu : « il y a beaucoup
d’amour et beaucoup de chiens, mais pas seulement »…
À chacun de découvrir le reste.
Voilà donc un recueil qui
confirme le talent de nouvelliste de Lunatik
révélé en 2011 dans Tous crocs dehors (Quadrature) et
récompensé à juste titre par le Prix Litter’halles en 2012.
Trajet
Pérec, Thierry
Bodin-Hullin, L’œil ébloui, 53 pages,
12 €
« Dire son Perec en 53 livres de 53 pages par 53 artistes. », telle est la baseline de la collection. Nous sommes encore dans le format court ! Dans Trajet Perec, le deuxième ouvrage de la collection, l’éditeur que je suis se fait auteur et tente d’expliquer la raison d’être de son projet. J’écris : « J’éprouve un grand attachement à l’œuvre de Georges Perec. J’ai rédigé un des premiers mémoires de maitrise consacrés à La Vie mode d’emploi en 1984. Le nom même de ma maison d’édition est un clin d’œil à l’auteur. Construire aujourd’hui un projet éditorial autour de cette figure de la littérature française est une suite qui reste très personnelle, et presque naturelle. Mieux comprendre la fascination qu’il exerce sur moi, comme sur beaucoup d’autres. Son œuvre protéiforme touche, sans y paraitre, le plus profond de soi. Je souhaite que cette collection 53 participe à cette lecture de Perec. » Le nombre fait référence à « 53 jours », le titre du dernier roman inachevé de Georges Perec. J’ajoute : « 53 pages, l’espace d’un livre ; un lieu d’écriture pour dire, penser, inventer, rêver, percer la lecture qu’on a de Perec. 53 livres, toute une collection ; un parcours collectif multiforme, un cheminement proposé à 53 artistes et écrivain·e·s pour porter un regard personnel sur la vie et l’œuvre de l’écrivain. » Voilà le projet un peu fou. Six titres par an, trois au printemps, trois à l’automne, et les neuf-dix ans à venir sont là. J’ai commencé à bâtir une liste d’artistes (pas seulement auteurs·e·s, mais aussi plasticiens, photographes, inventeurs de formes...) que je solliciterai. À ce jour, une vingtaine de titres sont prêts ou en cours d’écriture. Comment résumer ? L’éditeur crée son œuvre à partir des œuvres des autres. « Dites moi pourquoi vous êtes fascinés pour que je comprenne pourquoi je le suis ». Ou, de façon plus introspective, dites-moi qui vous êtes pour m’aider à comprendre qui je suis.
(Lire la suite de l’entretien dans Harfang N° 64)