dimanche 6 juillet 2025

COUPS DE COEUR POUR L'ETE : ROCHE, GLAZIOU

 De Paris à Buenos Aires, Emmanuel Roche, Éditions Banlieue Est, 238 pages, 18 €



Depuis Un piano à la Nouvelle-Orléans (Paul&Mike, Prix de la Ville d’Angers en 2016), La grandeur de l’Amérique (Paul&Mike, 2018)  et Spiaggia (Paul&Mike, 2021), E. Roche régale ses lecteurs de recueils composés comme des romans avec des personnages récurrents et une grande unité spatio-temporelle : l’Amérique de Trump ou l’Italie des années cinquante.

Ce nouveau recueil ne déroge pas à la règle : on y croise onze français à la fin des années trente qui choisissent de s’exiler en Argentine. Si leurs motivations sont différentes, les uns fuyant l’Europe pour des raisons historiques ou politiques, les autres pour des raisons personnelles et sentimentales, tous ont en commun la passion du ballon rond et se retrouveront sur un terrain pour former une équipe qui affrontera une équipe argentine… histoire de faire oublier que la quatrième coupe du monde de football prévue en 1942 n’a pas eu lieu pour cause de guerre.

Ces onze, les Saviniac, Levitski, Colombe, Camerlingue, Berthy… et quelques autres qui gravitent autour d’eux passent d’une nouvelle à l’autre, passent d’un petit boulot à un autre, passent d’une femme à une autre tout en racontant les petits événements drôles ou dramatiques de l’époque…

Époque parfaitement identifiable grâce à la bande-son qui accompagne toujours les recueils d’E. Roche ; ici on entend en sourdine les voix de M. Chevalier, L. Delyle, M. Dietrich, R. Ketty, T. Rossi, J. Sablon, C. Trenet, L. Ventura… et bien sûr quelques tangos argentins.

Les onze nouvelles sont soudées, comme doivent l’être les onze joueurs d’une équipe de football s’ils veulent gagner !

 Signalons la sortie concomitante d’un roman d’amitié, d’amour et de folie, plutôt noir, En position de hors-jeu (Paul&Mike) qui se déroule en 2020 sur fond de téléréalité au moment où la Coupe du monde de football va commencer.

En position de hors-jeu, Emmanuel Roche, Éditions Paul&Mike, 264 pages, 17 €

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Fenêtres, Joël Glaziou, éditions Maïa, 90 pages, 18 €

 Qu’est-ce qu’une fenêtre ? Un espace vitré, le plus souvent rectangulaire, et qui donne sur l’extérieur, laissant ainsi passer la lumière. Eh bien, la forme s’unissant au fond, les 85 textes qui composent le nouveau recueil de Joël Glaziou justement intitulé Fenêtres, sont présentés chacun sous forme rectangulaire, constituant des agglomérats d’une vingtaine de lignes, ne laissant aucun vide et ainsi tous d’un seul tenant.

Très tôt l’on apprend qu’il va s’agir d’un « dictionnaire amoureux des fenêtres », non pas à la manière de la belle collection des éditions Plon, mais de manière toute personnelle puisque chacun des textes retenus comporte une « entrée » en caractères gras et italiques. Nous progressons ainsi au fil des pages depuis le mot « agenda » jusqu’au mot « zones » en passant par « ardoise », « augure », « Babel », « Bach », etc. Occasion pour l’auteur d’afficher un bel hédonisme face au monde extérieur, aux nuages, à la lumière dans tout ce qu’elle offre de changeant, mais aussi dans le rapport aux autres, aux amis, aux enfants et petits-enfants, bref à tout ce qui contribue à la joie de vivre. Et l’on n’oubliera pas les nombreuses références à la peinture (Magritte souvent attesté), à la musique (Bach ou Debussy, ou encore le jazz, mais aussi la chanson), et bien évidemment l’amateur de littérature ne peut s’empêcher de citer Baudelaire ou Camus et le poète aime à citer Guillevic, sachant que « tout poème est aussi une fenêtre, cadre qui ne prend sens que par son contenu ».

Moins convaincante ou en tout cas moins poétique nous paraît la référence aux « windows » – ou quand l’informatique s’empare du mot « fenêtre » qu’elle anglicise – mais il faut s’y faire, le monde a changé et, comme les fenêtres de nos maisons, elles constituent autant d’ouvertures sur le monde – et chacun d’entre nous ne saurait le regretter.

Merci pour cet hymne à la vie, au plaisir d’exister, de découvrir ou de redécouvrir les innombrables facettes d’un quotidien qui, pour peu que l’on ouvre les fenêtres de la connaissance et de la mémoire, a tout pour enchanter.

Charles Rieux