De Paris à Buenos Aires, Emmanuel Roche, Éditions Banlieue Est, 238 pages, 18 €
Depuis Un piano à la Nouvelle-Orléans (Paul&Mike, Prix de la Ville d’Angers en 2016), La grandeur de l’Amérique (Paul&Mike, 2018) et Spiaggia (Paul&Mike, 2021), E. Roche régale ses lecteurs de recueils composés comme des romans avec des personnages récurrents et une grande unité spatio-temporelle : l’Amérique de Trump ou l’Italie des années cinquante.
Ce
nouveau recueil ne déroge pas à la règle : on y croise onze français à la
fin des années trente qui choisissent de s’exiler en Argentine. Si leurs
motivations sont différentes, les uns fuyant l’Europe pour des raisons
historiques ou politiques, les autres pour des raisons personnelles et
sentimentales, tous ont en commun la passion du ballon rond et se retrouveront
sur un terrain pour former une équipe qui affrontera une équipe argentine…
histoire de faire oublier que la quatrième coupe du monde de football prévue en
1942 n’a pas eu lieu pour cause de guerre.
Ces
onze, les Saviniac, Levitski, Colombe, Camerlingue, Berthy… et quelques autres
qui gravitent autour d’eux passent d’une nouvelle à l’autre, passent d’un petit
boulot à un autre, passent d’une femme à une autre tout en racontant les petits
événements drôles ou dramatiques de l’époque…
Époque
parfaitement identifiable grâce à la bande-son qui accompagne toujours les
recueils d’E. Roche ; ici on
entend en sourdine les voix de M.
Chevalier, L. Delyle, M. Dietrich, R. Ketty, T. Rossi, J. Sablon, C. Trenet, L.
Ventura… et bien sûr quelques tangos argentins.
Les
onze nouvelles sont soudées, comme doivent l’être les onze joueurs d’une équipe
de football s’ils veulent gagner !
En position de hors-jeu, Emmanuel Roche, Éditions Paul&Mike, 264 pages, 17 €
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Fenêtres, Joël Glaziou, éditions Maïa, 90 pages, 18 €
Très tôt l’on apprend qu’il va
s’agir d’un « dictionnaire amoureux
des fenêtres », non pas à la manière de la belle collection des éditions
Plon, mais de manière toute personnelle puisque chacun des textes retenus
comporte une « entrée » en caractères gras et italiques. Nous
progressons ainsi au fil des pages depuis le mot « agenda » jusqu’au
mot « zones » en passant par « ardoise »,
« augure », « Babel », « Bach », etc. Occasion
pour l’auteur d’afficher un bel hédonisme face au monde extérieur, aux nuages,
à la lumière dans tout ce qu’elle offre de changeant, mais aussi dans le
rapport aux autres, aux amis, aux enfants et petits-enfants, bref à tout ce qui
contribue à la joie de vivre. Et l’on n’oubliera pas les nombreuses références
à la peinture (Magritte souvent
attesté), à la musique (Bach ou Debussy, ou encore le jazz, mais aussi
la chanson), et bien évidemment l’amateur de littérature ne peut s’empêcher de
citer Baudelaire ou Camus et le poète aime à citer Guillevic, sachant que « tout poème est aussi une fenêtre,
cadre qui ne prend sens que par son contenu ».
Moins convaincante ou en tout cas
moins poétique nous paraît la référence aux « windows » – ou quand
l’informatique s’empare du mot « fenêtre » qu’elle anglicise – mais
il faut s’y faire, le monde a changé et, comme les fenêtres de nos maisons,
elles constituent autant d’ouvertures sur le monde – et chacun d’entre nous ne
saurait le regretter.
Merci pour cet hymne à la vie, au
plaisir d’exister, de découvrir ou de redécouvrir les innombrables facettes
d’un quotidien qui, pour peu que l’on ouvre les fenêtres de la connaissance et
de la mémoire, a tout pour enchanter.
Charles Rieux