Vent de boulet, Sylvie Dubin, Ed. Paul&Mike, 264 pages, 15 €
On
peut ne pas aimer les recueils de nouvelles et on peut ne pas aimer les récits
historiques, mais devant ce troisième recueil de S. Dubin, aucune généralité, aucun préjugé ne peut résister à
la lecture !
De
la première page de « Bleu
horizon » qui raconte les signes avant-coureurs de la Guerre 14-18 à
Merlet-Font avant la déclaration du 1er août jusqu’à la dernière
page de « Blanc, bleu... »
où l’on érige en 1920 un monument aux morts dans cette même commune de
Normandie, le lecteur est plongé dans les petites histoires de la Grande
Guerre.
Bien
sûr, d’aucuns objecteront que certains noms de lieux comme Merlet-Font et
certains personnages comme Blaise Gaillard, Camille Faye, Elise Simon et
d’autres qui réapparaissent dans plusieurs nouvelles sont sortis de
l’imagination de l’auteur. Mais pour le reste, tout, dans les moindres détails,
est authentique, du récit de la catastrophe ferroviaire de la vallée de la
Maurienne (dans « À tombeau
ouvert ») jusqu’au plus petit bouton de la capote des poilus. Car pour
l’auteur « il suffit d’assembler les
découpes de l’Histoire, et ce n’est qu’aux coutures que l’imagination
travaillera » (p. 42).
Comme
pour ses précédents recueils, S. Dubin a composé, organisé un ensemble unifié en
procédant par parallélismes, reprises et effets de miroir. Mais l’originalité
réside surtout dans le choix des sujets et dans le point vue qui surprend à
chaque fois le lecteur qui peut alors s’interroger sur ces petites histoires
qui font la grande Histoire.
Ainsi
on assiste à travers une enquête quasi policière à la naissance du service
cinématographique des armées (dans « Cinéma-cantonnement »).
On s’enfonce dans la boue des tranchées avec les tirailleurs sénégalais (dans « Nénette et Rintintin »). On
plonge sous la mer avec les premiers mariniers (dans « Histoire d’U. »). On survole les champs de bataille
avec les premiers aviateurs, avec les premiers aérostiers dans leur ballon
captif (dans « Sur la terre comme au
ciel ») ou avec les pigeons utilisés pour faire passer des messages en
Argonne (dans « Cher ami »,
publié
dans Harfang N° 46).
On
apprend aussi comment un véritable toréador peut se faire embrocher par une
baïonnette au Bois Camard en 1916 du côté de Verdun (dans « S’ils nous pardonnent »), comment une cousette en grève
peut rencontrer un médecin auxiliaire en permission à Paris avec son parapluie
sous le bras (dans « La faute à
Ducasse »), comment un peintre peut trouver son inspiration dans la
catastrophe d’un train fou qui fit 425 victimes parmi les poilus en permission (
dans « À tombeau ouvert »),
comment la même Elise Simon peut « sculpter » les gueules cassées
pour leur redonner apparence humaine (dans « The
Tin Nose Shop ») et sculpter les statues des monuments aux morts
érigés dès les années 20 (dans « Blanc,
bleu… »)…
On
attend de découvrir avec la marraine de guerre le « poilu » avec
lequel elle a correspondu pendant des mois (dans « Chaleureuse marraine ») et on est surpris de découvrir « La Clef » de l’énigme que
constitue l’histoire de deux frères dont l’un est mort à Verdun et l’autre végète
depuis lors dans un hospice d’aliénés.
Voici
donc treize nouvelles qui s’entrecroisent, s’interpénètrent pour dresser devant
les lecteurs le théâtre quotidien de la guerre, cette « comédie inhumaine » comme l’écrit l’historien A. Jacobzone
dans la préface. Treize nouvelles qui s’enchaînent comme les chapitres d’un
roman où, un siècle après la fin des combats, l’on entend encore siffler le « vent de boulet ». Treize
nouvelles où des hommes et des femmes s’interrogent sur le sens de cette « boucherie héroïque ». Le
chiffre 13 revenant d’ailleurs comme un leitmotiv, un fil rouge, où sans faire
de numérologie comme dans « Nénette
et Rintintin » les personnages s’interrogent pour savoir s’il faut
lire les chiffres comme des signes du destin.
Au
final, ce recueil est beaucoup plus qu’un recueil de nouvelles, plus qu’un « roman-par-nouvelles »,
plus qu’un récit historique qui serait réservé à quelques amateurs de nouvelles
ou de récits historiques. C’est un livre qui s’adresse à tous et que chacun doit
lire, toutes affaires cessantes.
Joël Glaziou
Deux
ans de vacances et plus,
Luc-Michel Fouassier,
Éditions
Quadrature, 102 pages, 15 €
Comme
dans ses deux recueils précédents, L.-M. Fouassier
propose un ensemble unifié de 7 nouvelles où l’on rencontre sept
personnages décidés, obstinés qui ont choisi « d’aller jusqu’au bout » comme le rappelle la citation
de Georges Simenon placée en
exergue. Ni opiniâtres, ni entêtés, ils se caractérisent par une constance, une
persévérance dans leurs idées, dans leurs actions, dans leurs attitudes.
Ainsi
dans la première nouvelle intitulée L’accompagnateur,
un fils (avec beaucoup de dérision, d’autodérision même s’il s’agit de l’auteur lui-même)
va suivre à vélo son père d’une soixantaine d’années qui a décidé de faire la
célèbre course à pied « les 100
bornes de Millau » ! Au fil des kilomètres, on s’aperçoit que le plus
dur n’est sans doute pas pour le père mais bien pour le fils… et que dans cette
course -métaphore de la vie- où l’important est de participer, selon la formule
connue, les deux iront jusqu’au bout, sans que l’on sache vraiment qui est l’accompagnateur de l’autre !
Dans Une hésitation (parue dans Harfang N° 47), un écrivain arrivant à bout de son roman (412 pages et 2 ans de travail) s’interroge : son héros Vittorio pressera-t-il sur la détente du révolver ou… ?
Dans Deux ans de vacances et plus, il est fait référence à un roman (peu connu certes) de Jules Verne et surtout à son adaptation dans une série télévisée des années 70. Si cette nouvelle donne son titre au recueil, c’est aussi parce que dans nombre de nouvelles (et romans) de L.-M. Fouassier, les personnages sont souvent de grands lecteurs et /ou de grands cinéphiles. Tout le plaisir de la lecture réside alors dans le repérage de ses clins d’œil de connivence culturelle.
Enfin quand il s’agit de regarder le passé (dans Retroviseur), de (re)faire le voyage de noces de ses parents dans le sud ou d’accompagner son ami Pascal au cimetière dans Condoléances, escalators et nems… pas de chute spectaculaire, car ces nouvelles reposent sur une forme de suspense et jouent sur l’attente du lecteur qui s’interroge : ira-t-il jusqu’au bout ?
Deux ans de vacances et plus, c’est 7 nouvelles de plaisir et plus !
Dans Une hésitation (parue dans Harfang N° 47), un écrivain arrivant à bout de son roman (412 pages et 2 ans de travail) s’interroge : son héros Vittorio pressera-t-il sur la détente du révolver ou… ?
Dans Deux ans de vacances et plus, il est fait référence à un roman (peu connu certes) de Jules Verne et surtout à son adaptation dans une série télévisée des années 70. Si cette nouvelle donne son titre au recueil, c’est aussi parce que dans nombre de nouvelles (et romans) de L.-M. Fouassier, les personnages sont souvent de grands lecteurs et /ou de grands cinéphiles. Tout le plaisir de la lecture réside alors dans le repérage de ses clins d’œil de connivence culturelle.
Enfin quand il s’agit de regarder le passé (dans Retroviseur), de (re)faire le voyage de noces de ses parents dans le sud ou d’accompagner son ami Pascal au cimetière dans Condoléances, escalators et nems… pas de chute spectaculaire, car ces nouvelles reposent sur une forme de suspense et jouent sur l’attente du lecteur qui s’interroge : ira-t-il jusqu’au bout ?
Deux ans de vacances et plus, c’est 7 nouvelles de plaisir et plus !
Joël Glaziou
En complément, on peut lire l'entretien
avec Luc-Michel Fouassier
dans le N° 47 d'Harfang
et sous l'onglet "Rencontres"
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