En juillet 2015, nous
nous interrogions ici même sur la différence entre roman et recueil de
nouvelles et sur la confiance que le lecteur peut accorder aux appellations et
délimitations de genres. Depuis, les exemples sont nombreux qui démontrent que
les frontières entre genres sont plus poreuses qu’il n’y parait.
En 2016, Tristan Garcia publie « 7 » aux éditions Gallimard et
décroche le Prix France Inter. Cet ouvrage est sous-titré « romans » et la quatrième de couverture annonce qu’il
s’agit de « sept romans
miniatures » mais l’on pourrait dire aussi qu’il s’agit de sept
longues nouvelles, de sept récits indépendants dont le lecteur découvre au fil
des 570 pages qu’ils sont étroitement liés.


On
peut alors s’interroger pour savoir quels critères permettent d’affirmer qu’une
nouvelle (ou une microfiction) peut devenir roman ou morceau de roman.
D’un côté, pour l’auteur, il y a bien un
même travail d’organisation et de composition en recherchant tous les moyens
d’assembler des nouvelles en recueil ou des chapitres en roman. De ce point de
vue, on ne voit pas en quoi le recueil serait inférieur au roman et le « complexe » du nouvelliste
par rapport au romancier n’a pas lieu d’être.
Du côté de l’éditeur, on peut soupçonner
depuis des lustres qu’il privilégie par stratégie commerciale l’appellation de « roman » plus porteuse en
termes de ventes et de chances d’obtenir un prix (les prix de la nouvelle se
comptant sur les doigts de la main !).

Il n’en reste pas moins que certains
ouvrages se moquent des critères, des frontières, des appellations et des
délimitations. D’ailleurs n’est-ce pas ce qu’on demande avant tout à un auteur,
un créateur sinon de ne pas répéter les formes, les moules, les genres
préexistants mais plutôt de les subvertir et de créer de nouvelles formes, de
nouveaux modèles, de nouveaux concepts ! La nouvelle portant bien son nom
quand il s’agit dans une sorte de laboratoire littéraire de forger de nouvelles formes.
Alors selon ce critère, on peut établir
-
Qu’il
s’agit d’un recueil de nouvelles quand chaque nouvelle peut être lue de manière
isolée et que l’ensemble peut être lu de manière aléatoire.
-
Qu’il
s’agit d’un roman quand la lecture ne peut être que linéaire de la première à
la dernière page.
-
Que
certains ouvrages « transgéniques »
peuvent comporter certaines caractéristiques du roman et du recueil… que
l’on peut lire à la fois -successivement sinon simultanément- comme un roman et
comme un recueil de nouvelles.
Le paradoxe soulevé par les Microfictions
de Régis Jauffret n’est donc
qu’apparent. Et c’est sans doute là toute l’originalité de son propos et de son
projet. Et c’est sûrement là aussi tout le plaisir que le lecteur peut trouver
dans sa lecture.
Joël GLAZIOU
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