Au
cœur d’un été tout en or,
Anne Serre, Mercure
de France, 144 pages, 14,80 €
Le
jeu auquel se livre Anne Serre dans
ce recueil oscille constamment entre réalité et fiction, avec d’une côté
réminiscences littéraires et cinématographiques, de l’autre imagination et
rêves personnels.
Ainsi
se dessine un autoportrait, qui n’est ni autobiographie ni autofiction, en une
mosaïque de 33 nouvelles de quelques pages, comme autant d’embryons de romans à
venir. Notons d’emblée que 25 d’entre elles commencent en citant l’incipit d’un
ouvrage choisi dans sa bibliothèque : Buzzati,
Carver, Caroll, Simon, Vila-Mata, Walser…
(la liste complète figure en fin de volume) ce qui permet d’avoir une
connaissance de l’auteur, au-delà des principes sociologiques ou
psychologiques, selon le précepte : dis-moi
ce que tu lis, je te dirai qui tu es ! Références littéraires souvent
doublées de réminiscences de films lorsqu’une mère inconnue ressemble à Liz Taylor (p.
13) ou qu’une cousine « a
l’air de sortir d’un film d’Hitchkoch »…
D’autre
part, chaque nouvelle est l’occasion pour le narrateur (souvent féminin,
souvent écrivain) de distiller (à la première personne) quelques informations
personnelles, notamment sur « la
production de rêves […] qui sont de véritables romans ou plus exactement des
nouvelles » où la logique et la chronologie sont souvent interverties
quand « le rêve débute par la fin pour
s’achever par le milieu » (p. 27). Occasion aussi de jouer à « être quelqu’un d’autre »
(p. 16) comme font les enfants qui s’imaginent un instant prince ou princesse,
cow-boy ou indien, gendarme ou voleur… Occasion enfin de créer des personnages
multiples comme Selma qui «
vit comme si elle était à elle
seule huit ou dix personnes » (p.
83). Et si « dans les nouvelles, il
y a souvent des chutes en forme d’explication » (p. 74), avouons que
là, comme dans les rêves ou dans la vie, il n’y en a pas !
Recueil
qui révèle bien l’univers et le style personnels d’Anne Serre, que les académiciens Goncourt ont apprécié au point
de lui attribuer -à raison- le Prix Goncourt de la Nouvelle 2020...
Joël Glaziou
(Suite et autres coups de cœur à lire dans Harfang N°57 à paraître en novembre 2020)
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