vendredi 13 novembre 2020

Viviane CAMPOMAR : Prix de la nouvelle 2020 pour son recueil J'irai mourir à Odessa



 La remise du Prix de la Nouvelle 2020 aurait du avoir lieu ce jour, vendredi 13 novembre 2020, à la Bibliothèque Municipale d’Angers, selon la tradition, pour la huitième fois depuis 2006… Les contraintes dues au confinement privent la lauréate, les juré(e)s et le public de cette rencontre traditionnelle et conviviale. À défaut de cette rencontre réelle (remise sine die), il faut se contenter cette année de virtualité et d’espoir. Espérons donc des jours meilleurs… 






... et en attendant, on peut aussi découvrir le recueil J’irai mourir à Odessa * (qui parait ce jour en partenariat avec les éditions Paul&Mike) et faire plus ample connaissance avec l’auteur. À cet effet, nous reproduisons ci-dessous une partie de l’entretien que nous publions (ainsi qu’une nouvelle extraite du recueil J’irai mourir à Odessa) dans le numéro 57 de la revue Harfang**.


Entretien avec Viviane CAMPOMAR (extraits)

D’où vous est venue l’idée de ce recueil qui fait voyager le lecteur entre l’Ukraine, la Russie et la France ? Parlez-nous de la conception, la composition et l’écriture de ce recueil.

V. C. : L’idée du recueil J’irai mourir à Odessa m’est venue de voyages, réels et imaginaires, entre la Russie et l’Ukraine, et à travers le temps, de l’époque contemporaine à celle du rideau de fer. La Russie, et en particulier Odessa, cette petite enclave russophone au bord de la Mer Noire en Ukraine, se prêtent merveilleusement au rêve littéraire. Odessa, la ville de la Dame au petit chien, est un lieu fantasmé d’une certaine intelligentsia russe, à laquelle je rends hommage en me l’appropriant à mon tour, en recréant à ma façon une légende un peu nuancée. Même si ces histoires se nourrissent de nombreux petits détails réels et d’anecdotes, j’y mêle une bonne dose d’affabulation, de manière à former un amalgame parfaitement fondu, aux composants indissociables. Certaines de ces nouvelles couvaient en moi depuis longtemps avant que je trouve le liant pour les articuler les unes aux autres. Et ce liant, c’est Odessa la ville mythique. C’est souvent ainsi que je procède : je ne découvre le fil rouge d’un recueil qu’après l’écriture de deux ou trois nouvelles, ensuite mon inspiration s’accorde à la musicalité ambiante. Ce qui m’intéresse dans l’écriture d’un texte, c’est la distorsion du réel : j’ai tenté de transcrire un univers intérieur autour de la Russie, plutôt qu’une reproduction fidèle, en brouillant les pistes, avec quelques notes d’humour égrenées dans six nouvelles sur sept, notamment dans les plus romantiques en apparence... Et, bien sûr, dans ce recueil où le lieu semble primordial, la dimension humaine est encore plus importante. Je me suis amusée avec les contradictions de nombre de personnages, plus complexes qu’on ne pourrait le croire au premier abord. Pour les évocations furtives, la nouvelle est un genre idéal… Ainsi, je décline, l’air de rien, deux variantes sur le thème de la mère, un thème qui m’est cher : deux portraits très différents dont l’un en filigrane, à peine esquissé à l’arrière-plan d’une chorégraphie sur l’escalier Potemkine ; l’autre plus poignant, dans la seule nouvelle sombre du recueil. Et toujours, l’espoir, l’espoir qui donne un surplus de vie aux personnages, un autre thème qui m’est cher, lui aussi tissé délicatement dans la trame de ces histoires. Dans tous mes recueils (j’en ai deux non publiés !), et plus particulièrement dans ce dernier, j’aspire à plusieurs niveaux de lecture, et surtout, derrière les quelques références littéraires, à entrelacer les diverses strates avec le plus d’émotion possible.

Vous n’êtes pas une inconnue pour Harfang : un recueil Entre fleurs et violences en 2009 (D’un Noir Si Bleu), une nouvelle « Le plaisir de la lecture » dans Harfang N° 40 en 2012, une participation au sixième Prix de la nouvelle en 2016. Que représente pour vous ce choix de la nouvelle (vous qui avez aussi publié quelques romans) ?

V. C. : La nouvelle m’est une langue familière. Dès ma plus jeune adolescence, j’ai baigné dans la lecture des nouvelles, et celles de TCHEKHOV ont été l’un de mes premiers enthousiasmes littéraires ! J’ai continué par la suite à dévorer tout ce que je trouvais comme nouvelles, aussi bien classiques que contemporaines, et je suis avec beaucoup d’intérêt les maisons d’édition et les revues qui s’y consacrent (les revues Brèves, rue St-Ambroise, Harfang… pardonnez-moi pour cette liste non exhaustive !). J’aime la nécessité d’une écriture ciselée, efficace, la possibilité d’une touche poétique. En quelques pages, il faut plonger le lecteur dans une atmosphère, dans la logique d’un ou plusieurs personnages, et j’apprécie d’ailleurs beaucoup les nouvelles d’ambiance, ne répondant pas forcément à la dictature d’une chute spectaculaire – même si je me réjouis de certaines chutes ! La nouvelle est le lieu par excellence de ces mouvements imperceptibles de l’âme, on peut y déployer des mondes aussi vastes que dans les romans mais par suggestions, par des associations (faussement) libres qui l’apparentent davantage à une manifestation de l’inconscient. Dans la nouvelle, tout est contrôlé, implacable, tout en allusions, ce qui donne l’apparence d’une liberté fluide. Il m’arrive parfois d’interrompre le travail sur un roman pour l’écriture d’une nouvelle ! Certains sujets nécessitent d’être développés dans un roman, mais des recueils comme Entre fleurs et violences et J’irai mourir à Odessa me permettent d’explorer de multiples facettes d’un même thème, de jouer sur les registres de langage, de style. La nouvelle me semble un genre sans limites…

* J’irai mourir à Odessa, Viviane CAMPOMAR, Paul&Mike, 100 pages, 10 €

** Suite à lire dans Harfang N° 57, 116 pages, 12 €

Chèque à adresser à Harfang 13 bis avenue Vauban, 49000 ANGERS

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