Prix Littér’halles 2023
Pour sa douzième édition, sept recueils finalistes
avaient été sélectionnés et le Prix Litter’halles 2023 (décerné à Decize en mai
dernier) a été remis à Françoise GUERIN pour son recueil Les défilés du désir aux
éditions Zonaires (108 p., 13 €)
En dix-huit nouvelles brèves, souvent d’une ou deux pages, F. GUERIN (pour son
dixième ouvrage) s’attarde à faire revivre la part d’enfance qui dort en chacun
de nous et qui pèse encore à l’âge adulte… tout en s’attachant à montrer la
part d’adulte déjà présente chez les adolescents de huit à douze ans en quête
d’identité et d’autonomie.
Chacun peut se reconnaître dans ces enfants ordinaires qui, pour se
conformer au regard que les adultes portent sur eux, masquent leurs désirs,
leurs manques, leurs tristesses, leurs hontes, leurs peurs…
Au fil des pages, on croise des Benjamin, des Quentin, des Nathalie, des
Céleste qui sont le plus souvent dans le déni, qui pratiquent le mensonge
quotidien et dont les mots ou les silences montrent toute la difficulté à être
soi-même dans cette zone de turbulences que l’on appelle adolescence.
Et s’il est souvent difficile de parler des enfants ou pour les enfants,
F. GUERIN a choisi de leur donner la parole, sans pour autant se
mettre à leur place. Pour cela, ses narrations utilisent la deuxième personne,
un « tu » de bienveillance,
qui implique une empathie naturelle chez le lecteur.
Empathie immédiate, dès la première nouvelle, pour Paul, cet écolier de
neuf ans qui est tombé amoureux du nouveau venu aux cheveux « couleur abricot » et qui
cachera la honte de ses cheveux courts.
Même empathie, dans la dernière nouvelle intitulée « De l’efficacité de la prière » (publiée dans Harfang N°
56) pour cet enfant plutôt chétif, issu de l’immigration polonaise, qui prend
confiance en lui grâce à une prière très
personnelle devant une reproduction de la Vierge noire de Czestochowa.
Les défilés du désir offrent ainsi un vaste éventail de situations, posent un
regard plein d’humanité sur nos enfances, sur nos valeurs et notre société
contemporaine.
Joël Glaziou
Prix Boccace 2023
Pour ce 14e prix Boccace,
cinq recueils étaient sélectionnés. Finalement le prix est revenu cette année à
Gilles Verdet pour son recueil Les passagers, publié aux éditions
Rhubarbe (94 pages, 12 €)
En parlant de « passagers », G. Verdet parle aussi de passages et de passeurs. Passeur du fleuve Guadiana entre Espagne et Portugal comme Eduardo, passeurs de drogue ou comme François et Françoise, petits retraités français qui trafiquent pour arrondir leurs fins de mois.
Les premières
lignes du recueil le disent clairement : « les limites territoriales, les migrateurs les ignorent »…
car les oiseaux tout comme les personnages ignorent les frontières qu’elles
soient sociales, économiques ou morales… mais d’abord et surtout géographiques,
que l’action se passe en France, en Allemagne, en Espagne, au Portugal ou au
Maroc ou que le lieu donne le titre de chacun des sept passages : « fleuve, périf, mer, détroit, ciel, horizon, delta ».
Les personnages
passent donc d’un lieu à l’autre, revenant de manière récurrente d’une nouvelle
à l’autre. Ce faisant, G. Verdet
ignore les limites narratives et les codes et franchit allègrement les
frontières poreuses entre les genres : les nouvelles s’enchaînent en une suite
narrative comme dans un « roman-par-nouvelles »
selon l’appellation de J. N. Blanc…
assurant ainsi une continuité et renforçant l’attention et le plaisir du
lecteur.
Continuité
aussi, puisque ces nouvelles, écrites au fil des années qui passent, sont bien
reliées par un fil rouge que l’on trouvait déjà dans la nouvelle centrale
intitulée « Le détroit »
publiée dans Harfang (N° 45) en 2004 !
Sept nouvelles
au fil de l’eau, sept balades tragiques où l’on croise des personnages haut en
couleurs comme sait si bien les saisir G. Verdet :
outre les deux banlieusards retraités, Angela une ex-allemande de l’est, un
junky anglais, une ouvrière marocaine, un écrivain américain, un tueur à gages…
Merci à Rhubarbe
de faire « passer » ce
genre de recueil que chaque lecteur doit faire « passer » à son tour au plus grand nombre.
Joël
Glaziou
(Lire
nouvelles et entretien de Gilles Verdet
dans Harfang N° 45 & 49)
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