Parmi
les nombreux recueils parus ces deux derniers mois et arrivés dans la boîte à
lettres d’Harfang, notre chouette fétiche a eu un coup de cœur pour le recueil
de Blandine Le Callet…
Dix
rêves de pierre,
Blandine Le Callet, Stock, 254
pages, 18 €
La
forme lapidaire de certains faits divers (« les
nouvelles en 3 lignes » de F. Fénéon
en étant la forme la plus aboutie) a permis à beaucoup de nouvellistes de
révéler et de développer quelques « vies
minuscules ».
Dans
un registre proche, B. Le Callet a
choisi de collecter quelques épitaphes dont la puissance d’évocation l’a
poussée à écrire la légende de dix rêves de pierre et à faire surgir
les fantômes d’hommes et de femmes disparus depuis des siècles…
Chaque
dalle funéraire n’est-elle pas une couverture de pierre refermée sur une vie ?
Quelques mots inscrits sont comme le résumé d’une histoire. Quelques mots qui
donnent envie d’en savoir plus : il suffit alors d’ouvrir et de feuilleter
les pages. Quelques mots seulement pour ressusciter les morts et rappeler
quelques moments forts de leur vie.
Ainsi
au IIè siècle en Turquie, Thrason élève une stèle en mémoire de ses
deux fils et d’Hermès leur précepteur qui est mort en protégeant les deux
enfants lors d’un tremblement de terre alors qu’à Lyon Pompeius Catussa élève
un tombeau à la mémoire de son épouse
incomparable, Blandinia, jeune femme
innocente morte à l’âge de 18 ans, 9 mois et 5 jours …
Dans
la cathédrale de Rouen en 1103, on enterre Sibylle qui meurt empoisonnée par
les « amandes amères » et la
jalousie de Robert, son mari de retour
de Croisade… tandis que dans l’église Saint Jean de Grève, « gisent le frère et la sœur »,
Julien et Marguerite, accusés d’inceste et d’adultère, exécutés en Place de
Grève à Paris en 1603.
Au
XIXè siècle, un certain Jacques Jouet, bon époux bon père, grand philanthrope,
meurt par hasard dans une maison de passe dont la patronne lui avait promis de
financer ses bonnes œuvres : il repose au cimetière du Père Lachaise. Et
en Isère, on s’incline devant un « ange
au ciel » et devant les
hortensias sous lesquels tous les enfants nés avant terme à 7 mois de
grossesse sont enterrés sans épitaphe !
Enfin
en ce début de XXIè siècle que dire devant cette formule gravée dans la
pierre : « Maman tu as semé la
zizanie entre tes enfants. Repose »… sinon qu’il faut toujours faire
attention aux petits carnets que l’on
laisse derrière soi !
De
la plus ancienne à la plus récente, ces dix nouvelles historiques ont en commun
d’être souvent révélatrices d’une époque, avec ses croyances, ses problèmes,
ses mœurs… Dix nouvelles comme dix peintures de genre où une présence animale, quelque
chien jaune, chiot ou autre bâtard
affectueux est à la fois le témoin, le messager de mauvaise augure et aussi
la signature vivante qui authentifie la scène comme le faisaient certains
peintres des siècles passés.
Décidément,
ce recueil est un cimetière virtuel plein de vie !
Un
recueil remarquable que les prix à venir devraient bien récompenser…
Joël
Glaziou
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