jeudi 22 novembre 2018

Michelle LABBE : Prix de la nouvelle d’Angers 2018 pour son recueil Feuilles d’Engadine

Vendredi 16 Novembre 2018
 à la Médiathèque Toussaint d’Angers
18 h 30

Dans une salle remplie et en présence des principaux partenaires, notamment Mr FOUQUET, adjoint à la Culture, représentant la Mairie d’Angers, F. MULLER, directeur des éditions Paul&Mike…  ainsi que des membres du jury, l’identité de la lauréate a été dévoilée…

Il s’agit de Michelle LABBE, enseignante à la retraite, qui vit entre la Bretagne et la région parisienne et qui partage son temps entre l’écriture et les voyages. Auteur de plusieurs romans et d’un recueil de nouvelles, elle a aussi écrit un essai sur les romans de J. M. G. LE CLEZIO (éditions L’Harmattan).

 
Une brève présentation du recueil "Feuilles d'Engadine" permet de comprendre qu’il s’agit d’une sorte de journal de randonnée, tenu par une même narratrice. Invitant ainsi le lecteur à partir à la découverte de nouveaux lieux et de nouvelles personnes.
L’unité de composition en fait une sorte de « roman-par-nouvelles », où chaque nouvelle est l’occasion d’une anecdote et aussi d’une galerie de personnages appartenant à des milieux différents montrant ainsi les écarts sociaux et culturels entre les habitants, les touristes, les célébrités….
Donc un recueil qui pourrait se lire comme un guide touristique mais teinté de philosophie, de littérature, de sociologie… tout en restant dans un langage et un style très simples, très faciles à lire.
Michelle LABBE pendant sa lecture apéritive
La soirée s’est terminée par une lecture apéritive et une séance de dédicace.


Pour faire plus ample connaissance avec l’auteur, nous reproduisons ci-dessous une partie de l’entretien (dont on peut lire l’intégralité ainsi qu’une nouvelle extraite du recueil dans le N° 53 de la revue Harfang)


 
 
 
 
 
 
Entretien avec Michelle LabbÉ

 D’où vient l’idée d’écrire sur l’Engadine qui est au cœur de votre recueil ?

 M. L. : J’ai souvent trouvé, dans mes lectures : Nietzsche, Proust, Freud, Mann… le nom de Sils‑Maria, d’emblée étrange parce qu’il semblait appartenir à deux langues différentes - en tout cas, pour Proust, nom « deux fois doux ». La région, l’Engadine (selon l’orthographe française) semble introduire une troisième langue, pour nous plus familière, charmante ici par ses sonorités. On pourrait déjà parler d’ambiguïté, de mystère. D’autre part, le lieu, pour les écrivains, les artistes qui l’ont fréquenté, évoque le lointain, la réclusion, le repos tout en suggérant, par le nombre et la renommée de ses visiteurs, un séjour mondain : Gide, Mann, habitués d’un grand hôtel… mais aussi David Bowie, Kristen Steward, habitués du même hôtel… Olivier Assayas joue du paradoxe dans son film Sils Maria en présentant cet hôtel comme le lieu de rencontre d’écrivains, d’acteurs tout en faisant, des hauteurs de la vallée, le séjour du « serpent de Maloja », ce nuage qui, vers le soir, se coule entre les sommets, embrume l’Engadine, et fait se perdre les personnages joués par les clients du prestigieux hôtel.

La quatrième de couverture de La suite américaine, votre recueil précédent, était une invitation à lire les « nouvelles comme un roman ». Donneriez-vous le même conseil aux lecteurs de la « suite de nouvelles » de Feuilles d’Engadine ?

M. L. : Comment lire les nouvelles ? Chacune doit se refermer sur elle‑même mais « l’effet recueil » n’est pas innocent. Même si chaque texte se veut un et différent des autres, la lecture a la liquidité de l’aquarelle. Les couleurs glissent les unes sur les autres. La deuxième nouvelle est encore imprégnée de la première et s’apprête à colorer la troisième. Autant, pour l’auteur, en profiter et désigner le même objet tout au long de son écriture pour cerner une réalité, ici, un lieu, et s’approcher de la cohérence et de l’homogénéité que l’on réclame du roman. Mais on doit aussi se demander si la distinction stricte entre les genres reste pertinente à notre époque, si certains ouvrages, annoncés explicitement en couverture comme romans, (Patrick Modiano, Dans le café de la jeunesse perdue ; Yasmina Reza, Heureux les Heureux ) ne sont pas, par leur division en chapitres et leur changement de personnage‑narrateur, de ton et de point de vue, plus proches du recueil de nouvelles.
Ce qui peut être demandé au lecteur, c’est de considérer le volume comme une suite. C’est ce que j’ai voulu tenter avec Feuilles d’Engadine : donner le sentiment d’une méditation et d’une découverte qui se poursuit de nouvelle en nouvelle.

Dans l’écriture et la genèse du recueil, votre priorité est-elle donnée aux personnages (rendus vivants par de petites anecdotes) ou au lieu, l’Engadine (que l’on pourrait considérer aussi comme le personnage principal) ?

M. L. : Dans ce recueil, je crois que l’Engadine devient le personnage principal, une sorte d’entité vibrant de son mystère et de sa beauté, de ses couleurs, de ses parfums : le turquoise des lacs, la neige des cimes, les fleurs sur les pentes, les forêts. Nietzsche appelait la vallée « l’Ile Bienheureuse » comme si elle était isolée du reste du monde, un être à part entière doté d’une sorte de vertu du bonheur ; deux petites îles du lac de Sils s’appellent également « Les Bienheureuses ». Un certain anthropomorphisme est né spontanément du charme puissant reconnu à la vallée, capable des plus languissantes douceurs et des pires tempêtes, de grandes solitudes et de pavanes dans les lieux chics. Mais l’Engadine est aussi évolution: nouvelles constructions attirant des couches sociales plus modestes, nouveau téléphérique permettant de se rendre rapidement sur les hauteurs pour des randonnées en altitude, nouvelles activités proposées, kite-surf ou cross‑country pour les plus jeunes ou marches nordiques pour d’autres. Cependant, les responsables de la région sont attentifs à préserver la beauté et la spécificité des lieux, sports d’été respectant la nature, ski et patinage durant le long hiver. L’Engadine perdure, change et se découvre. Le flux des visiteurs n’entache pas son charisme.

Auteur de plusieurs romans et récits, que représente pour vous le choix de la nouvelle ?

 M. L. : Le choix de la nouvelle répond au désir de travailler sur de petites unités, d’essayer de ciseler pour un effet final, d’exprimer un sentiment, une émotion dans un espace restreint et sur un thème restreint, et, éventuellement, d’une nouvelle à l’autre, changeant totalement de point de vue, de varier l’emprise qu’on tâche d’avoir sur les choses de la vie. On peut aussi jouer sur les sens de « nouvelle ». Écrire une nouvelle peut s’entendre comme donner des nouvelles d’un lieu et de ceux qui y vivent…

Suite de l’entretien et nouvelle de Michelle LABBE à lire dans Harfang N° 53, 10 €
Feuilles d’Engadine, Michelle LABBE, éditions Paul&Mike, 112 p., 10 €

 

 

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